#expérimentations

En mai 2021 débutait le programme Lieux Communs, avec une expérimentation sur un territoire pilote : la résidence Masaryk, à Sevran. Pendant 20 mois, la 27e région s’est associée au bailleur social Vilogia, à la Ville de Sevran et au bailleur CdC Habitat pour expérimenter une autre manière, plus ouverte, de gérer un local collectif résidentiel (LCR) en rez-de-chaussée de la résidence Masaryk, dont la gestion « traditionnelle » ne permettait pas la présence pérenne d’activités utiles aux habitant.e.s du quartier.

Accompagner l’émergence d’un collectif : premier pas vers le commun.

Parti.e.s au départ avec l’intention d’élaborer avec les acteurs du territoire sevranais une gouvernance renouvelée pour les LCR d’une résidence sociale transformés en tiers-lieu, et ainsi dessiner de nouvelles modalités de partenariat public-commun, il a vite fallu se rendre à l’évidence : la priorité était bien de poser les bases de ce commun. Et d’abord, de constituer une communauté d’acteurs, au-delà d’un simple groupe d’individus, avec chacun.e un intérêt propre pour le projet. Au fil des mois, les liens se sont tissés, en prenant le temps de faire connaissance, en participant à des ateliers collectifs, voire en organisant des activités ensemble. Faire commun ne se décrète pas et ne peut faire l’économie du temps et de la patience, garants d’un socle solide pour des coopérations futures. En même temps que la communauté se constituait, les travaux du lieu avançaient, laissant entrevoir ce à quoi le tiers-lieu allait ressembler, et offrant une place au collectif pour sa conception.

Vers un partenariat public-commun ?

À Sevran, des coopérations inédites sont à faire mûrir : l’épicerie sociale et solidaire implantée dans le tiers-lieu fera du CCAS un membre de la gouvernance au même titre que les structures locales qui s’y implanteront également ; le bailleur social, propriétaire des murs, doit encore trouver sa place, entre soutien, partenaire et contributeur, dans une organisation en construction. Pour ces deux structures, il faut aussi accepter qu’il ne soit pas possible de définir exhaustivement les modalités de gestion et d’organisation du lieu à ce stade, afin de laisser le temps au collectif de tester, se tromper, itérer pour trouver un modèle qui fasse commun. Ce sont les prémices de ces réflexions qui s’ouvrent à Sevran, esquissées lorsque nous avons abordé l’organisation quotidienne du lieu, son modèle juridique, son modèle de gouvernance …

Concrétiser des formes de partenariats publics-communs, c’est donc avant tout une question de postures pour l’acteur public (et le bailleur social dans le cas de Sevran) : accepter ce qu’il faut de lâcher prise pour préserver l’autonomie des communautés d’acteurs constituées, faciliter les coopérations locales (en jouant l’entremetteur, plus que le maître d’œuvre), sécuriser des pratiques plus collectives grâce à des outils administratifs et méthodologiques (chartes, convention de gestion, etc), endosser un récit de territoire mobilisateur et transformateur, qui valorise les initiatives locales et les ressources partagées.


Vous voulez en savoir plus ?

Un premier livrable relate notre cheminement à Sevran : la compréhension du territoire, la constitution d’un collectif, la réalisation d’un objet « en commun » pour penser des règles d’usage et un mode d’organisation des acteurs , et enfin les problématiques et pistes pour aborder les questions de gouvernance avec la communauté se constituant.

  • La version à lire en ligne par ici.
  • Et la version imprimable par là.

Un deuxième livrable, sous la forme d’une feuille de route destinée aux acteurs de Sevran pour poursuivre la démarche jusqu’à l’ouverture du lieu, que tout un chacun peut consulter par ici.

L’expérimentation à Sevran, ainsi que les autres productions du programme Lieux Communs sont documentées sur le blog.

Un objet mystérieux tout de bois vêtu fait depuis quelques semaines l’objet de convoitises chez les Sevranais (du moins, le cercle restreint de ceux qui ont suivi de près sa création). Inauguré lors d’une belle journée de septembre, il répond pour l’instant au nom de « café mobile » (on vous détaille son processus de création par ici). Oui mais maintenant, qu’en fait-on ?

En voilà une bonne question ! Suite à plusieurs sollicitations concernant son emprunt, nous avons animé un atelier pour dessiner un scénario d’usage du café mobile, permettant au collectif de d’acteurs embarqués depuis quelques temps dans la démarche d’imaginer des modalités de gestion. Et puis, ne serait-il pas fort regrettable que ce café mobile soit condamné à prendre la poussière dans un placard en attendant sa future place de choix dans le tiers-lieu ?

 

 

Mais oui Yvette, c’est un crash test ! Le café mobile est fait pour expérimenter, pour réussir et aussi apprendre de ses erreurs, et essuyer les pots cassés de la gestion partagée. Donc advienne que pourra !

Un parcours utilisateur, de quoi parle-t-on ?

 

Le parcours utilisateur est un super outil de design, qui permet de tracer le parcours-type d’un usager en s’interrogeant sur chacune de ses étapes pour rendre l’expérience la plus agréable, fluide et accessible. En faisant émerger les outils nécessaires et adaptés pour surmonter les obstacles rencontrés, le groupe co-construit les modalités d’usage du café mobile. Pour appréhender la gestion, le parcours utilisateur commence du besoin de réservation à son retour au lieu de stockage, en passant par toutes les problématiques que peut rencontrer un usager entre les deux étapes.

En guise de persona-utilisateur, on s’inspire directement de nos cobayes préférés (les participants) et on part de leurs besoins et questions pour définir ensemble une trajectoire d’utilisation. Nous partons par exemple du cas très concret du directeur du CCAS et des Solidarités de la ville, qui annonce vouloir emprunter le café mobile en décembre, pour une distribution de colis festifs pour les seniors, à la salle des fêtes du centre-ville.

En filigrane se dessine la gestion de cet ovni ambulant, qui fait parler les plus curieux.

À chaque situation une proposition … ou presque !

En cheminant dans le parcours utilisateur, nous tachons de poser des situations qui appellent la mise en place d’outils, quand celles-ci ne sont pas devancées par les interrogations du collectif.

En amont, la réservation

Pas question ici d’emprunter le café mobile comme bon vous semble ! Afin de garantir sa bonne gestion et son usage partagé, il faut des règles, non pas pour contraindre, mais pour sécuriser l’emprunt (et par conséquent la personne emprunteuse également). 

Comment réserver : Le collectif s’est mis d’accord sur la nécessité de mettre en place un planning partagé (un document en ligne par exemple), et d’identifier un référent qui puisse faire le relais pour les personnes peu à l’aise avec le numérique.

Pour éviter l’accaparement du café mobile, les participants ont proposé un système d’inscription, ouvrant le droit à un crédit de demi-journées, mais conditionné par la signature d’une Charte, qui a la vertu de responsabiliser la personne et garantir son engagement (autrement dit, ça limite le risque qu’elle fasse n’importe quoi). Il faut que l’emprunteur et son action portent des valeurs partagées par l’esprit du tiers-lieu et du café mobile (attention ça devient un peu métaphysique), et inscrites dans ladite Charte.

Comment arbitrer entre une activité ponctuelle et une activité plus régulière qui se télescopent pour l’emprunt du café ? Un planning courant sur 3 mois permet d’organiser les réservations, tout offrant la possibilité à de nouveaux usagers de se faire une place.

…Mais qui peut réserver ?

Bon bah comme ça au moins c’est clair ! Dans un premier temps en tous cas, l’emprunt à titre individuel est plutôt perçu comme une crainte pour le collectif. Peut-être que cette position évoluera. Cela dit, rappelons nous qu’un commun diffère d’un bien public (c’est la communauté qui définie ses propres règles et les ayants droits au commun). 

Le jour J, un emprunt serein et sans pépin

C’est bien joli tout ça, mais comment ça marche au juste ? Le carnet de vie du café mobile a été imaginé pour aider les utilisateurs à appréhender ce gros bébé : un mode d’emploi, racontant l’histoire du café mobile et comprenant une notice d’utilisation.  Un kit avec le nécessaire pour faire de l’affichage sur les paravents et faire du bricolage de dépannage si besoin. De quoi garantir un emprunt en toute sérénité !

Les petits accros ça arrive, et ce n’est pas bien grave. Mais afin d’offrir à ce café mobile tout le bichonnage et l’attention qu’il mérite, une fiche état des lieux, à remplir avant et après utilisation permet de facilement repérer les petites interventions à effectuer pour le réparer.

L’emprunt est un premier pas dans l’aventure collective…

… Autrement dit, pouvoir en bénéficier de temps en temps, gracieusement et selon les modalités définies par le collectif, cela nécessite en revanche de donner un coup de main quand il faut faire le grand ménage de printemps, ou le ravalement de façade d’un café mobile un peu défraîchi. Et si l’entretien requiert l’achat de matériel spécifique, les participants proposent de réaliser des évènements communs pour financer les réparations.

Les sujets chauds bouillants

La définition de la charte : l’emprunt du café mobile est conditionné par l’adhésion à une charte, qu’il faut donc rédiger. Nous ressortons de cette atelier avec un de ces articles : pas d’alcool dans le café mobile ! Pour éviter tous les embarras et complexifications administratives liées aux licences (et puis sans alcool, la fête est plus folle). Outre les valeurs, elle définira aussi des éléments pratiques comme le périmètre d’emprunt, le droit ou non de l’emmener au delà du quartier, le nombre de crédits de demi-journées etc… 

L’assurance : pour les participants, il faut une assurance pour assurer le café et rassurer les emprunteurs assurés d’être couverts. Si les petits pépins sont plutôt gérables au cas par cas, la question de l’assurance pour les dommages plus conséquents se pose : le tiers-lieu aura-t-il une assurance qui couvre le café ? La responsabilité civile individuelle des personnes fonctionne-t-elle pour l’emprunt du café mobile ? Oui, mais s’il est emprunté au nom d’une structure et non à titre individuel ? Pour l’instant, la question est en suspens ! En parallèle se pose la question de qui est propriétaire de l’objet. L’heureux élu pourrait alors assurer le café mobile, mais pour l’instant pas de volontaire téméraire parmi les participants…

Le coordinateur du tiers-lieu : Il est vite apparu que la personne qui sera en charge de la coordination du tiers-lieu fasse office de référent naturel pour le café mobile, principalement car elle sera en charge de la gestion du quotidien et sera présente sur place. Ce coordinateur aura donc besoin d’avoir plusieurs cordes à son arc (un véritable couteau suisse) :  déjà très sollicité alors qu’il n’est pas encore là. En attendant de trouver la perle rare, il est difficile pour les acteurs engagés dans les ateliers de porter la charge mentale de cet objet et de sa gestion, chacun étant occupé par ses activités par ailleurs. Au delà de la gestion du café mobile, c’est toute la dynamique de groupe qui méritait d’être fortifiée et maintenue par ce coordinateur. Ce coordinateur est donc plus attendu que le père noël !

Dans un registre plus léger, mais qui mérite d’être mentionné, il est aussi question du petit nom du café ! Depuis le début on parle du « café mobile », mais est-ce vraiment parlant pour quelqu’un qui n’aurait pas suivi la démarche ? Selon une de nos participants, avec cette appellation « on ne voit pas trop ce qu’on peut faire avec ». Et puis, c’est un café qui n’a de café que le nom (pas de cafetière ou de prises prévues, juste de quoi accueillir les thermos), et qui peut servir de support à de nombreuses activités. Alors en attendant c’est le remue-méninge pour trouver un nom sympa et percutant qui fera la fierté du quartier (on l’espère).

Au delà du café mobile : penser la gestion du tiers-lieu

Nous vous avions déjà exposé dans par ici le fait que l’expérimentation du café mobile n’était pas anodine dans le cheminement de réflexion vers la gestion du tiers-lieu. Beaucoup de questions soulevées aujourd’hui pour cet objet sont toutes aussi pertinentes pour penser la gestion future du lieu commun : comment définir ensemble des règles d’usage ? Qui a les clefs ?

On utilise parfois l’image de l’objet totem pour parler du café mobile : cela fait un an que nous travaillons à l’émergence d’un collectif qui puisse porter la démarche de gestion collective du tiers-lieu. Si l’on reprend le triptyque élaboré par Ostrom sur les biens communs : pour que commun il ait, il faut une communauté d’acteurs, une ressource, et des règles d’usage (de la ressource, définies par la communauté elle-même). A défaut de pouvoir compter sur ces trois piliers, notre trépied est un peu bancale : la ressource n’est pour l’instant qu’une hypothèse peu concrète pour les acteurs du territoire car elle n’existe pas, donc difficile d’anticiper les règles d’usage … Le tout est un peu fictif, on nous l’a d’ailleurs fait remarquer à plusieurs reprises  « on ne sait pas trop où on va, on manque de vision ». Avec le café mobile se présente alors l’opportunité d’avoir une ressource commune, à gérer collectivement, et donc de pimenter la démarche du grain de concret qu’il nous manquait tant. 

Le triptyque des communs d’E.Ostrom

La bonne nouvelle c’est que la dynamique collective commence à prendre : lors de cet atelier sur la gestion du café mobile, on a pu entendre des « nous tous ensemble », « nous sommes un collectif », « on pourrait faire des actions communes », et l’on observe des participants qui ont plaisir à se retrouver aux ateliers, dans une ambiance détendue qui n’était pas forcément celle des débuts. Alors nous cheminons pas à pas.

Lors d’un prochain atelier, la réflexion autour café mobile servira de tremplin à des hypothèses de gestion et de gouvernance du tiers-lieu … on entre dans le vif du sujet !

 

Pour arriver jusqu’à un café mobile rutilant, il faut remonter quelques mois plus tôt, début décembre 2021, lors d’un atelier collectif d’émergence d’idées. Les participant.es étaient invité.es à imaginer des activités à mettre en place avant la livraison du lieu commun, en guise d’expérimentations, pour commencer à insuffler coopération et dynamique collective (ces activités devaient en effet être portées par au moins 2 acteurs de structures différentes). Dans cette profusion d’idées, certaines ont été approfondies, d’autres se sont concrétisées, et quelques unes ont encore besoin d’un peu de temps, et trouveront peut-être l’opportunité de leur épanouissement dans le futur lieu commun.

Les compagnons Bâtisseurs – les bricoleurs du collectif – ont alors soumis au groupe la création d’un café mobile : un stand sur roulettes qui pourrait faire l’objet de nombreux usages (kiosque, atelier cuisine, café à thème, moment convivial entre habitant.es… les possibilités semblent infinies). Appuyés par Compétences Emploi pour la mobilisation de participant.es, les Compagnons Bâtisseurs ont animé un atelier de co-conception avec le collectif, puis 3 semaines de chantier participatif entre juillet et mi-septembre à destination des habitant.es du quartier. Retour en mots et en images sur la concrétisation de cette expérimentation !

Co-construire un objet commun

© Compagnons Bâtisseurs

Le café mobile est une création collective. Les Compagnons Bâtisseurs ont animé un atelier de co-conception qui a suscité l’engouement du collectif, les participants étaient nombreux ! Ensemble, ils ont pu identifier les usages qu’ils projetaient sur cet objet, et par conséquent les besoins inhérents (c’est à ce moment qu’ont par exemple été pensés les paravents pour créer des espaces d’intimité). Des petites briques de construction ont permis de penser le volume et l’espace nécessaire. Les considérations esthétiques du café mobile n’ont pas été oubliées : de la couleur aux choix des matériaux, ces détails sont passés par des choix collectifs.

La construction du café mobile en chantier pédagogique : la difficile mobilisation des habitants du quartier

Pour construire le café mobile, les Compagnons Bâtisseurs ont animé un chantier pédagogique destiné à un public de jeunes et adultes, qui auraient envie de découvrir le maniement des outils et approcher la construction pendant 2 semaines et demi. Malheureusement, la proposition n’a pas suscité l’adhésion espérée. Quelques petits couacs de coordination entre les acteurs n’ont pas facilité la tâche, les départs en vacances des habitant.es du quartier non plus. Et puis un élément a indéniablement joué en notre défaveur : la canicule de juillet. Près de 40°C à l’ombre … Qui aurait envie de faire vibrer le scie à bois sous un soleil de plomb ? Les Compagnons Bâtisseurs (et leur énergie à toute épreuve) ont tout de même commencé la construction, aux pieds de la résidence Masaryk. Un nouveau rendez-vous est pris pour 3 jours de chantier mi-septembre, nouvelle opportunité pour les habitant.es de participer, pour des travaux plus simples de finition cette fois-ci. La présence quotidienne des Compagnons Bâtisseurs dans le paysage de Masaryk pendant plusieurs dizaines de jours a tout de même permis de faire connaître leur activité et leur association auprès des passant.es et résident.es.

On ne va pas vous le cacher, nous aurions espéré plus de participation à cette expérimentation. Cela nous a questionné sur la manière de solliciter les habitant.es, jusqu’ici plutôt absents de la démarche. Malgré de la bonne volonté, le porte à porte pour les mobiliser, ou encore nos outils de communication pour les tenir informés au fil de l’eau de l’avancée de la démarche (cartes postales et gazettes), cela n’aura jamais la portée d’une présence quotidienne sur le terrain, d’un réseau de relations bâti depuis plusieurs années. C’est là où les acteurs au plus près des habitant.es, telle que l’Amicale des locataires, ont un rôle indispensable à jouer pour faire le lien avec le projet, en usant de leur capital-confiance, qui suscitera davantage l’adhésion qu’une bande d’inconnu.es, qui malgré leurs bonnes intentions, viennent toquer à la porte (« Toc toc toc, Bonjour ! Il y aura un chantier participatif pendant 3 jours en pleine journée, venez ça va être chouette. Au revoir »), et disparaissent 1min30 plus tard.

Pour connaître les acteurs à solliciter et se faire des « allié.es » sur le terrain, une enquête préalable est salutaire afin d’avoir une bonne cartographie d’un territoire. À Masaryk, entre mai et septembre 2021, une enquête participative a été réalisée par des binômes 27e Région-Vilogia, parfois par un trinôme 27e Région-Vilogia-Ville de Sevran. A défaut d’être immergés au sein d’un quartier, les savoir-faire des acteurs locaux seront utiles tout au long du processus. Ces acteurs sont par exemple les maisons de quartier, les Amicales de locataires, les chargé.es de gestion urbaine de proximité, les commerce de quartier, les missions locales, un.e habitant.e … À la suite de l’enquête, nous avions compris que la Présidente de l’Amicale des locataires de la résidence Masaryk était une figure importante du quartier. Forte tête, c’est une personne qui aime se sentir utile et qui a besoin de faire des choses. Pour l’inauguration, elle a mis à disposition du matériel : tables, nappes, matériel de transport. Sa grande proximité avec l’association de quartier Potenti’elles Cité a permis que celle-ci prépare le buffet. Et son ancrage au sein de la ville de Sevran (elle habite la résidence Masaryk depuis les années 70) en fait une personne qui compte et qui est capable de faire venir des élu.es.
De même, l’enquête a permis de mettre en lumière le travail réalisé par la directrice de la maison de quartier E. Michelet. Elle a mis en place notamment des veilles sociales, outil de partage d’informations entre différentes institutions : bailleurs sociaux ; centres sociaux, CCAS, associations locales, clubs de prévention… La maison de quartier est devenue un soutien important de la démarche du tiers-lieu en accueillant certains ateliers, en faisant des campagnes d’affichage notamment pour l’inauguration du café et en nous proposant de nous inclure dans le dispositif de veille sociale.

Le temps de la fête : célébrer la fin du chantier autour d’un moment convivial

Mi septembre, la structure du café mobile est prête ! Il manque quelques détails, des finissions à faire comme ajouter le toit et réaliser la peinture, mais le principal est là pour accueillir l’inauguration du café mobile. Cette inauguration illustre une réussite collective : entre le soutien de l’Amicale des locataires qui est un relais primordial dans la résidence, le travail des Compagnons Bâtisseurs, et la réalisation du buffet par l’association Potenti’elles cité. Le pied de la résidence Masaryk s’anime, de partenaires, de participants aux ateliers fidèles, et d’habitant.es curieux.ses de voir de l’animation en bas de chez eux. En plus de profiter joyeusement de ce moment convivial pour faire connaissance, nous avions prévu un affichage qui présentait les différents ateliers et le fruit de nos réflexions collectives, nous permettant ainsi de faire de la médiation  autour du projet de tiers-lieu et du travail sur une gouvernance d’un nouveau genre. « C’est bien, ça va apporter une nouvelle dynamique au quartier » ; « c’est super s’il y a un lieu pour les jeunes, car pour le moment il n’y a pas grand chose », « oh ce sera super », « et comment on fait pour emprunter le café mobile ? ».  On peut le dire, cette inauguration a été une réussite ! Ne jamais négliger les moments de célébration, qui ravivent la dynamique collective et renforcent la conviction qu’il s’invente quelque chose de stimulant.

Et la suite ? Un atelier pour imaginer la gestion collective de cet objet totem !

Et maintenant ? Comment faire quand on souhaite emprunter le café mobile ? Car bien entendu, l’objectif n’est pas de le laisser prendre la poussière pendant 1 an ! Cet objet, c’est une incarnation du lieu commun en construction, un objet collectif dont il faut maintenant définir les règles de gestion et d’usage. Cela peut paraître parfois un peu stratosphérique de parler de règles d’usages et de gouvernance d’un lieu qui n’existe pas encore (oui, on parle bien du tiers-lieu de la résidence Masaryk). Alors ce café mobile est une occasion de projeter des mécanismes concrets de gestion, de règles collectives, pour appréhender en douceur les futurs questionnements du collectif. Et devant les sollicitations de certains membres du collectif, nous devons maintenant nous atteler à définir cette gestion ! La suite (très rapidement) au prochain épisode car les premières demandent d’emprunt sont déjà là…

Si la dynamique collective était une mayonnaise … (ou les enseignements que nous retenons de cette expérimentation).

Si la dynamique collective était une mayonnaise, il faudrait un bon liant pour faire s’agréger les ingrédients. Et ce liant c’est … l’interconnaissance, point de départ d’une relation de confiance. Sans trop rentrer dans les détails, nous avons évoqué des petits couacs de coordination entre les structures porteuses de cette expérimentation. À La 27e Région, nous avions souhaité nous mettre en retrait de l’organisation, pour observer quelle(s) coopération(s) pouvai(en)t se mettre en place entre les acteurs. Peut-être par manque de clarté de notre part, il n’y avait pas de référent/chef d’expérimentation clairement identifié pour le café mobile. Chacun étant par ailleurs mobilisé par ses préoccupations quotidiennes, cela a pu nuire quelque peu à la dynamique collective (pour filer la métaphore, sans un bon coup de main pour faire monter la mayonnaise, elle finit par retomber…). Avec les quelques ateliers que nous avons menés jusqu’à maintenant, les structures qui n’étaient pas forcément familières les unes des autres ont pu commencer à s’apprivoiser. Mais la confiance ne suffit pas. Quand on travaille sur des projets multi-acteurs, la fonction de coordination est aussi un élément à ne pas négliger. A Masaryk, le recrutement de jeunes pour participer au chantier (qui se déroulait pendant les vacances scolaires) a souffert d’un manque de coordination. La 27e Région aurait peut-être dû incarner ce rôle, toujours est-il que la question du recrutement d’un coordinateur apparaît comme d’autant plus essentielle dans un avenir proche (avant même la livraison du lieu) pour maintenir la dynamique.

Une bonne mayonnaise, ce n’est pas la plus simple à réaliser en cuisine. Il faut exercer son coup de main, et c’est là que les expérimentations, en sécurisant l’essai-erreur, sont des bancs d’essai avant d’obtenir une recette inégalable.

Dans l’histoire du Lieu Commun Masaryk que nous sommes en train d’écrire, il y a, en toile de fond, la démarche « quartier inclusif” portée par le département de Seine-Saint-Denis, dans laquelle le territoire sevranais est fortement engagée, et qui corrobore la volonté du bailleur social Vilogia d’adresser les problématiques de vieillissement et d’autonomie dans ses résidences. 

Ces préoccupations communes ont trouvé un terrain d’entente et d’expérimentation dans la résidence Masaryk, et plus particulièrement dans ses anciens Locaux Collectifs Résidentiels dont la gestion est à réinterroger et à réinventer. En remportant l’appel à manifestation d’intérêt Tiers-lieux « Autonomie dans mon quartier » porté par le département, le bailleur porte l’ambition de faire des espaces vacants en rez-de-chaussée de la résidence Masaryk un lieu intergénérationnel, de lutte contre l’isolement, accessible à toutes et tous quelque soit son âge, son handicap, et son degré d’autonomie. Il soutient ainsi une politique publique et s’inscrit dans un réseau de 25 tiers-lieux qui proposeront des services pour tous les publics (professionnels, habitants) sur des questions liées à la perte d’autonomie (prévention, accessibilité…).

Pour nous aiguiller dans cette réflexion, Marie Venot, fondatrice de Villanthrope et ergothérapeute de profession, est venue animer un atelier sur l’accessibilité des activités pour tous auprès des partenaires du quartier.

Mais dans quelle société vivons-nous ? 

En guise d’introduction, Marie nous distribue des boutons … pourtant, pas d’atelier couture en ligne de mire mais une réflexion ludique sur l’organisation des groupes sociaux dans notre société. L’objectif est de faire appréhender aux participant.e.s la différence entre 3 modèles de société : la société exclusive, opposée à la société inclusive, celle-ci même que l’on confond parfois avec la société intégrative… 

  • Une société exclusive se caractérise par une forte homogénéité de ses habitants, et une ségrégation tant spatiale que sociale d’une autre communauté. 

  • Une société intégrative a élargi son cercle à l’accueil d’autres groupes, sans pour autant que ces derniers se mélangent et partagent plus que de simples rencontres. 

  • Une société inclusive est transformative, elle produit un nouveau système avec de nouvelles règles, de nouvelles envies : elle est l’œuvre des membres qui la composent. 

La société inclusive est donc un idéal vers lequel il faut tendre ! A l’échelle du tiers-lieu, le collectif a à cœur d’en faire un lieu où chacun.e, quelles que soient ses différences, pourra participer à l’ensemble des activités proposées. Marie est là pour donner du sens à l’accessibilité universelle et donner les clefs pour accueillir un public âgé et handicapé, en garantissant leur participation de. Vous le verrez, avec un peu de remue-méninge collectif et de compréhension des enjeux, nous pouvons toutes et tous trouver des solutions créatives sur le sujet !

Ayez le réflexe du pictogramme !

Il existe six types de handicaps définis en France, avec chacun un pictogramme. Ils indiquent aussi la présence de dispositifs spécifiques pour l’accès aux espaces, l’adaptation de la communication ou d’évènements.

Handicap moteur (incluant les personnes âgées en déambulateur)
Malentendance
Handicap visuel (malvoyance et non voyance)
Surdité
Déficience intellectuelle
Handicap psychique
Penser l’autonomie 

Les personnes âgées et/ou handicapées ne sont pas fragiles, mais fragilisées par la société” affirme Marie. Garantir leur participation, en veillant à ce qu’elles puissent conserver un fort degré d’autonomie est un facteur d’inclusivité. De plus, 10% de la population française est en situation de handicap, sans oublier que certains handicaps sont invisibles et sans compter les personnes âgées en situation de handicap (lié au vieillissement physiologique)… il est donc primordial d’adapter nos pratiques pour qu’il n’y ait pas d’obstacle à leur participation autonome.

L’accessibilité universelle, de quoi parle-t-on ? L’accessibilité universelle correspond à un environnement (physique et/ou humain), à une activité permettant un usage identique, autonome et simultané par tous les citoyen.nes, quelles que soient leurs différences.

Dans le cadre de cet atelier, les participant.es ont été répartis en trois groupes, chacun avec une activité à concevoir et à animer. Pour faciliter la réflexion collective sur les moyens à mettre en œuvre pour garantir l’accessibilité de l’activité à toutes et tous, 5 personnages fictifs ont accompagné l’après-midi.

  • Un atelier cuisine pour toutes et tous, dans une espace bien appréhendé (via des visites du lieu), permettant une évolution des participant.es en toute sécurité, et proposant des ustensils adaptés pouvant être maniés de manière autonome.     
  • Une épicerie sociale,solidaire, … et inclusive, où la déambulation est facilitée, le rayonnage agencé pour accueillir tous les publics.
  • Un petit-déjeuner vecteur de lien social, avec une communication détaillée et des informations précises, quelques trucs & astuces et termes de mobilier et d’accessoire, et des bénévoles sensibilisés pour accueillir au mieux les personnes en situation de handicap.
Après les boutons, quelques billes pour penser l’accessibilité : 

Pour clôturer l’après-midi, Marie nous a donné quelques ressources (souvent peu coûteuses) pour adapter des activités à un public varié, et permettre aux personnes âgées ou en situation de handicap d’être accueillies dans des conditions confortables ne les mettant pas en difficulté : 

  • Une boucle magnétique pour les personnes malentendantes
  • Interprétariat en langue des signes
  • Le guide “vivre ensemble avec ou sans handicap”
  • Penser aux pictogrammes pour indiquer de l’inclusivité d’évènements. 
  • Bien communiquer : avec lieu, horaire, et moyen d’accès à des évènements. 
  • Prendre le réflexe de sous-titrer les vidéos.
  • Revoir la taille/hauteur des guichets d’accueil
  • Prendre en compte l’aire de giration d’un fauteuil dans l’espace
  • Proposer des livres audio ou gros caractères comme alternatives aux livres classiques.

 

Ce que l’on en retient 

 

C’est assez facile de se penser inclusif.ve, mais dans les faits, sans une sensibilisation aux enjeux liés aux handicaps et à l’accessibilité, difficile d’appréhender complètement cette question de l’autonomie. Être inclusif n’est pas qu’une posture : cela se pense, demande des petits efforts et réflexes, mais toute activité peut être adaptée pour les personnes âgées et les personnes handicapées. 

Parmi les 3 activités que nous avons explorées collectivement lors de cet atelier avec Marie, nous avons dégagé des enjeux communs à différents handicaps : pouvoir se mouvoir, être dans un environnement rassurant, avoir à disposition des objets et du matériel adapté pour ne pas être dépendant d’un.e aidant.e. Et puis, sensibiliser et former à ce sujet de l’accessibilité universelle, trop facilement limité à des normes PMR peu exhaustives et inclusives.

De notre côté, cet atelier a fait germer tout un tas d’interrogations qu’il s’agira d’adresser collectivement : comment faire dialoguer différentes politiques publiques présentes au sein du tiers-lieu : alimentation et inclusion pour ne citer qu’un exemple ? Et comment donner écho à l’inclusion dans les différentes activités proposées ? L’inclusion peut-il devenir un fil rouge qui nourrit de possibles collaborations ? L’autonomie et l’inclusion sont-elles des communs ? Comment cela se traduira-t-il dans la vision commune et dans la gouvernance du lieu ? Quelles répercussions pour l’action publique, nous pensons notamment à l’épicerie sociale et solidaire portée par le CCAS de Sevran et intégrée au sein du tiers-lieu ? Ces enjeux seront abordés dans les prochains ateliers collectifs qui auront lieu à partir de septembre. Il y a du pain sur la planche !

 

C’est une petite gazette, nommée La bonne nouvelle du lieu commun Masaryk. Nous pourrions la classer dans l’arte povera ou dans les fanzines de par sa simplicité et son faible coût. Elle est destinée aux acteurs intéressés de près ou de loin au projet de tiers-lieu, soit parce qu’ils vont organiser des activités en son sein et dans ce cas cet outil remet du commun, du partage au sein du groupe qui travaille à la conception de ce lieu, soit pour être informé de l’avancée du projet (par exemple auprès des élu.es ou des habitants).
La gazette « La bonne nouvelle du lieu commun Masaryk » prend la forme de deux A4 pliés en deux (soit 8 pages) et envoyée par mail aux élu.es et aux acteurs du projet (que l’on pourrait nommer les Commoners) et distribuée dans les boites à lettres des habitants de la résidence sociale via l’agence de secteur de Tremblay qui la remettra au gardien de la résidence. 

Cet outil conçu par la 27è Région, a vocation à être repris par les acteurs du futur tiers-lieu. Aujourd’hui, le bailleur social  Se posera alors la question de savoir qui aura la charge de la communication du lieu. Avec quelle autonomie et quelle organisation ? 

Le sujet de la communication n’est pas une petite affaire. Dans certains tiers-lieux ou communs, une instance spécifique s’occupe de cette question et peut s’inscrire dans une des fonctions de la gouvernance parmi lesquelles on trouve la réflexion, l’orientation (la stratégie), la décision, la délégation, l’évaluation.

Depuis quelques mois maintenant, nous faisons le pari – avec nos partenaires Vilogia, la Ville de Sevran et CDC Habitat – que la réponse la plus adaptée au Local Collectif Résidentiel de la résidence Masaryk à Sevran sera la gestion en commun de cette ressource qu’est le futur tiers-lieu orienté vers l’inclusion et l’autonomie.

Une gestion partagée entre une communauté d’acteurs – publics, associatifs, privés, habitant.e.s – réunis autour de la conviction que le collectif est un levier pertinent pour repenser nos manières de faire société et d’animer durablement un lieu. C’est vers ce nouveau modèle d’organisation et de coopération que l’on souhaite tendre, et vers lequel notre expérimentation nous conduira, on l’espère.

Parfois, la communauté d’acteurs est préexistante et dessine par sa dynamique ce qui constitue le commun. Dans d’autres cas – et c’est notre cas ici à Sevran – il faut partir de zéro et oser rêver à ce futur commun.

Sans prétendre décrire  une méthodologie exhaustive ou prête à l’emploi, nous vous partageons les débuts de notre aventure, les outils que nous avons utilisés, les premiers enseignements que nous tirons de cette expérimentation, et les ingrédients qui nous paraissent nécessaires, dans le contexte qui est le nôtre, pour permettre à la communauté d’émerger.

Rien ne sert de courir, il faut savoir partir à point…

Et oui, une communauté, ça ne se crée pas en un claquement de doigts. C’est un travail de long cours, peut-être jamais achevé d’ailleurs, en perpétuelle construction. 

Il faut laisser le temps aux individus de tisser des liens solides. Alors nous, à La 27e région, pour faciliter la démarche sans l’imposer, nous pouvons simplement offrir un cadre favorable à l’épanouissement des affinités et inviter à rêver en commun. 

Après avoir rencontré individuellement les futurs acteurs du lieu, nous les avons réunis autour d’ateliers collectifs. 

Nous avons dédié le premier atelier à l’interconnaissance. Après un petit rappel de l’objectif de l’atelier et du projet dans son ensemble, nous avons constitué des binômes (qui devaient se retrouver en emboitant 2 pièces de puzzle), offrant ainsi un cadre plus intime de discussion, et moins impressionnant pour les plus timides d’entre nous. Après 15min d’échange personnalisé, chacun faisait la présentation de son binôme et exposait ses motivations et envies. Et pour ne pas laisser s’échapper dans les airs ces envies si précieuses, nous les avons inscrites dans une grande marmite dont elles constituaient les ingrédients indispensables à la réussite de notre recette de bien commun. 

Avez-vous lu dans votre tendre enfance La soupe au caillou ? (Sinon, il n’est jamais trop tard, faites-en votre prochain livre de chevet ou improvisez une séance visionnage avec ou sans vos enfants). 

Et toi, tu penses à quoi quand on te parle de vie en collectivité ? On a tous vécu des petites expériences qui nous font adorer (ou parfois moins) la vie avec les autres. De votre coloc qui ne fait jamais le ménage à de très beaux moments de vie en famille ou entre amis, parfois il suffit de petits détails pour rendre une situation mal embarquée un peu plus sympathique. Alors pour poursuivre le premier atelier, nous avons fait deux groupes et invité les participant.e.s à partager des anecdotes de vie collective. Au-delà de permettre aux acteurs de mettre des mots sur des principes clefs de coopération comme l’organisation, la communication, l’existence de règles collectives, nous avons passé un bon moment de partage, ponctué de rires bienveillants. 

Truc et astuce : n’hésitez pas à prévoir un espace buvette, et ne pas sous-estimer les échanges informels qui se créent autour d’un café. 

Pour clôturer le premier atelier, nous sommes allés visiter le futur lieu commun de la résidence Masaryk … enfin, voir à quoi cela ressemble actuellement avant les travaux. Car pour l’instant, pas facile de se projeter (pour l’instant ce sont d’anciennes caves actuellement murées). Mais cette visite collective – sous un beau soleil d’octobre – a facilité des discussions spontanées, et en a fait sourire plus d’un par notre exploration dans la pénombre des caves, armés de nos portables comme lampe torche. 

Lors du deuxième atelier, des nouvelles têtes nous ont rejoint, alors on ne néglige pas un nouveau tour de table pour que chacun puisse se présenter et présenter sa structure. 

Agir collectif, élémentaire mon cher Watson !

Alors que chemin faisant, au gré des rencontres, les premiers liens d’une communauté d’acteurs sont en train de se tisser, nous essayons de faire émerger des pratiques de gouvernance partagée et de gestion en commun au fil de l’eau, afin de commencer à réfléchir à certains mécanismes fondamentaux de la coopération. 

Grand plongeon dans les eaux de la prise de décision en collectif lors du deuxième atelier. Pour cela on enfile les brassards décomplexants que sont l’amusement et le jeu, et on démarre par un brise-glace (une technique d’animation qui permet de mettre le groupe à l’aise grâce à un petit jeu ou une mise en situation). Projetés dans une situation fictive de fin du monde, les groupes devaient décider collectivement qui, parmi une vingtaine de personnages atypiques, méritaient d’être sauvés. Il n’a pas toujours été simple de se mettre d’accord, surtout dans un temps imparti. La restitution a montré que l’île isolée avait plutôt l’air d’un archipel … mais au fond, peu importe la composition de l’île, ni que tous les groupes n’aient pas les mêmes. Se sont esquissées différentes modalités de prise de décisions en collectif : débats, votes, consentement pour arbitrer les propositions divergentes, discussions sur le fond et recherche de cohérence de peuplement de l’île (en termes de parité, d’âges, d’utilité et de diversité). Une belle approche pour réfléchir plus globalement sur la prise de décision en commun, en donnant de l’importance à l’opinion de chacun. 

Rêver collectif, tout aussi élémentaire mon cher Watson ! Nous sommes repartis des futurs usages et activités projetés dans le lieu lors de la phase d’enquête pour débrider les imaginations et inventer des activités à tester dès l’année 2022, avant même la livraison du lieu commun. Les participant.e.s étaient réparti.e.s en 3 groupes avec des « fiches activités » à remplir et quelques impératifs tels que l’implication des habitant.e.s, ou la définition d’une temporalité. Avec les envies et aspirations de chacun.e, une belle panoplie d’activités s’est constituée. Certaines ont été discutées collectivement, d’autres fusionnées. C’était foisonnant ! 

Chaque participant.e était ensuite invité.e à prendre du recul sur les diverses propositions, et se positionner s’il ou elle le souhaitait selon 3 niveaux d’implication : j’organise, je donne un coup de main, ou je participe. La 27e Régione a ajouté son grain de sel en donnant la contrainte que chaque activité soit portée par au moins 2 organisatrices ou organisateurs de structures différentes (le travail collectif est un excellent exhausteur de goût !). 

Finalement, ce sont 10 activités qui ont émergé et seront travaillées pour être testées en 2022. De belles perspectives pour le collectif.

Mettre en place des vecteurs de communication

La 27e région a souhaité au plus vite ouvrir la possibilité aux futurs acteurs du lieu d’échanger de manière plus spontanée et simplifiée. Pour l’instant, comme ce sont encore les débuts, on essaie d’alimenter la dynamique, et on veille à communiquer aux différents partenaires et parties prenantes les étapes du projets, en rappelant que ce dernier est ouvert au quidam intéressé. 

En interne au collectif, nous utilisons à la fois une liste de diffusion par mail (le moyen le plus inclusif) et un groupe whatsapp, qui a l’avantage de donner un peu plus de matérialité au groupe et permet aux acteurs d’échanger plus aisément et sur un ton plus convivial. Le groupe whatsapp comporte l’inconvénient d’être un peu plus intrusif que le mail. Tout comme une communauté dispose de ses propres règles, peut-être faudra-il décider collectivement des règles d’utilisation de ce média de communication. 

Après chaque atelier, la 27e région propose aussi une feuille de chou qui revient sur ce qui a été fait lors de l’atelier précédent. C’est une gazette que nous appelons « La bonne nouvelle du Lieu commun Masaryk ». C’est aussi un outil de diffusion, car nous la transmettons aux habitant.e.s de la résidence Masaryk. Ils peuvent y retrouver une adresse mail où nous contacter pour celles et ceux dont la curiosité aurait été aiguisée.

Établir une correspondance avec les habiatnt.es de la résidence sociale Masaryk- Visuel d'une carte postale, La 27e Région

Recits sonores

Comment imaginer un modèle d’organisation et de gestion collectives propre à un lieu, valorisant la coopération et la notion d’un commun, tout en donnant un nouveau rôle à l’acteur public ? Comment cela se traduit-il en termes d’équipe, de modalités de prise de décision, de programmation co-construite, de gestion et de fonctionnement quotidien ? Comment cela impacte-t-il l’administration, et comment cela transforme-t-il l’action publique (ses pratiques, ses outils, ses modes d’action) ? 

C’est le chantier que nous ouvrons avec Lieu Commun Masaryk. L’objectif est de co-construire et tester pendant 18 mois des activités et des formes nouvelles de partenariats, en impliquant les habitant.e.s pour mieux cibler leurs besoins, mais aussi les associations, des entrepreneurs locaux, les services et les élu.e.s de la Ville ainsi que les bailleurs sociaux, afin de relever ensemble le défi de la gestion et de l’animation des locaux collectifs résidentiels*, et voir quels enseignements transformateurs nous pouvons en tirer pour réinventer les politiques publiques. 

* locaux à usage collectif, souvent situés en rez de chaussée de résidences sociales, et destinés en priorité aux habitant.e.s du quartier

Co-construire l’enquête territoriale

En mai 2021, avant de partir à la rencontre des personnes qui pourraient constituer notre future communauté d’usager.e.s et gestionnaires du tiers-lieu, nous avons rencontré les élu.e.s de Sevran ainsi que les membres de ce que l’on appelle l’équipe cœur (les porteurs du projet Lieu Commun Masaryk : Vilogia, la Ville de Sevran, CDC Habitat), afin de poser le cadre du projet et de comprendre les attentes de chacun.

Les élu.e.s nous ont partagé leurs ressentis vis à vis des locaux collectifs résidentiels, et leur vision idéale d’une collaboration entre l’acteur public et les personnes et structures qui gèreront le futur lieu. L’atelier avec l’équipe cœur a permis à chacun d’exprimer ses attentes sur le projet, à titre personnel et pour sa structure, mais aussi pour le lieu et la dynamique du quartier. Afin d’inviter les acteurs à se projeter dans une vision positive du projet et de son fonctionnement, nous avions créé des récits audios (à écouter dans la colonne de gauche), projetant des personnages fictifs dans le quotidien du futur lieu. En plus d’ouvrir les imaginaires, ces récits ont permis de lever certains a priori et de dépasser les premières craintes exprimées. 

Un panorama des acteurs à aller interroger, susceptibles d’être réceptifs ou intéressés par le projet est alors dressé, et une cartographie collectivement élaborée. Des binômes inter-organisations sont constitués pour aller enquêter auprès des forces vives identifiées sur le terrain.  

A la rencontre des acteurs du territoire

Vous le verrez, on utilise beaucoup l’image de la soupe au caillou pour ce projet de lieu commun. En effet, à ce stade d’exploration du territoire et de mobilisation des acteurs, nous nous représentons le projet comme une grande marmite où les personnes ou structures identifiées (élu.e.s, directeur de la vie associative, associations, entrepreneurs, porteurs de projets…) viennent ajouter leurs ingrédients (les usages qui leurs tiennent à cœur) et constituer la recette de cette soupe parfaite ! La richesse de ces temps d’échanges a amené certains acteurs à nous guider vers d’autres personnes, qui avaient elles aussi un ingrédient particulier et singulier à apporter. Ces rencontres avaient pour toile de fond une grille d’entretien semi-directif, mais davantage qu’un respect stricto-sensu de l’ordre des questions et de leur formulation, ces dernières étaient avant tout un outil pour échanger, faire connaissance et commencer à amener le sujet de la gestion partagée. On vous donne un aperçu des lignes directrices de ces entretiens ci-dessous :

ZOOM sur la grille d’entretien

  1. Qui êtes-vous ? (présentation de l’organisme, petit historique) – Que faites-vous (vos actions) ?
  2. Quel regard portez-vous sur le quartier Montceleux ? Qu’est-ce qui vous plaît dans ce quartier ? Ses atouts / particularités / sa valeur ajoutée ? Dynamique habitante / dynamique collective / Initiative habitante. Quelles activités projetez-vous ?
  3. Comment coopérez-vous aujourd’hui avec les autres acteurs du quartier ?
    > acteurs publics (mairie, bailleurs, mission locale, CCAS, centre social, etc.),
    > associatifs
    > autres habitants
    > éventuellement économiques ?

Quelle est la nature des liens avec ces acteurs (liens foncier/immobilier, mise à disposition de locaux, relation financière, relation contractuelle avec l’acteur public, ressources humaines, budget commun, soutien logistique, bénéficiaires…) ?

Avec lesquels de ces acteurs entretenez-vous des relations privilégiées et sur quels sujets/thématiques ?

Qu’est-ce qui fonctionne dans vos relations avec les autres acteurs (publics, associatifs, économiques, autres habitants) ? Qu’est-ce qui, au contraire, ne fonctionne pas ? Quelle serait votre vision d’une coopération idéale avec ces acteurs ?

De quoi auriez-vous envie / besoin (pour votre structure et pour le quartier) ?

Quelles seraient vos envies, attentes et besoins concernant le futur lieu partagé au sein de la résidence Masaryk ? Est-ce que vous vous projetez avec d’autres acteurs dans un espace partagé géré collectivement ? (évoquer la gouvernance partagée)

Remarques de vocabulaire 
Plutôt utiliser le terme de lien / relation avec les autres acteurs que le terme de coopération . Plutôt parler d’un lieu commun / d’un lieu partagé et géré collectivement plutôt que tiers-lieu.

Cartographie des acteurs rencontrés, La 27e Région

En parallèle de ces rencontres, nous avons pris le temps de nous documenter, d’aller voir ce qui se fait ailleurs d’inspirant. Un travail de projection est nécessaire pour éveiller les imaginaires, et invite à se poser des questions concrètes : Quelles sont les possibilités pour l’articulation des usages ? Qui aura la clé ? Quelles pourraient être les instances et les modalités de prises de décisions ? Ces questionnements, il s’agira de les faire atterrir lors des expérimentations afin d’établir les réponses les plus appropriées au contexte du lieu commun Masaryk et de son vivier d’acteurs.

Si cette phase d’exploration marque le début du projet de Lieu Commun à Sevran, il est à noter qu’un groupe d’étudiant.e.s avait déjà préparé le terrain lors d’une immersion d’un mois dans la résidence sur le thème de l’autonomie des personnes âgées. Les enjeux ne sont pas tout à fait les mêmes, mais les relations que les étudiant.e.s ont établies avec certains habitant.e.s ont permis d’introduire plus facilement le projet du futur lieu collectif au rez-de-chaussée.

Le début d’une correspondance avec les habitant.e.s

Comment embarquer les habitant.e.s de Masaryk dans ce nouveau chapitre que nous voulons écrire ? Le lieu commun en rez-de-chaussée de la résidence aura un impact direct sur leur cadre de vie, et il va de soi qu’ils ont toute leur place dans le projet. Mais comment partager cette vision d’un lieu géré en collectif alors même qu’il ne s’agit justement que d’une vision, que les travaux n’ont pas commencé, que ce lieu n’a pas d’existence concrète, mais qu’au contraire, le passé est encore bien présent dans les esprits et rappelle des heures pas toujours joyeuses à ceux qui l’ont vécu (quand ces espaces étaient appropriés par des trafiquants de drogue au désarroi des habitant.e.s) ? Comment, en partant de cet héritage, ouvrir collectivement des perspectives et un nouveau chapitre pour un environnement apaisé et convivial ? Ces questions nous nous les sommes posées, et allons tâcher d’y répondre ensemble dans les mois qui viennent.

Pour embarquer les habitant.e.s, nous leur avons écrit. Pas une bouteille à la mer, mais une carte postale qui se veut le début d’une correspondance, d’un échange, pas forcément tout de suite, mais qui fera peut-être du chemin chez celles et ceux dont la curiosité sera titillée par ce geste d’invitation. Cette carte informait les habitant.e.s de notre présence lors de la réunion publique sur les travaux de réhabilitation programmée début octobre : une bonne manière de faire connaissance, d’en apprendre un peu plus sur le projet et de recueillir des envies.

Après plusieurs semaines de rencontres riches avec les acteurs du territoire, nous avons ainsi clôturé la phase d’exploration et d’enquête par une rencontre lors de la réunion publique organisée par le bailleur Vilogia.

Nous avons partagé les résultats de l’enquête aux habitants et aux acteurs présents sous la forme de poster (un “accrochage” dans le jargon de La 27e Région). Même si le travail avait commencé, l’enjeu était de montrer que tout reste à construire ensemble et que rien n’est figé : la typologie des espaces est indicative et sert de support à la projection et l’imagination, la cartographie des acteurs est mouvante. Et une question à la clef : Et vous ? Qui veut rejoindre le projet ? Avec quelles envies ? Les personnes intéressées étaient invitées à venir coller un post-it avec leur nom, un usage/une activité souhaitée ou proposée, une volonté de s’engager. On récolte les adresses mails, dans la perspective du premier atelier d’interconnaissance quelques semaines plus tard. 

Ainsi, début octobre, les contours d’un collectif réunissant habitant.e.s, bailleurs, élu.e.s, agents de la ville, associations, entrepreneurs, commençait à se dessiner. Certains avec des projets, d’autres avec des idées ou des “simples” motivations, mais tous avec l’envie de voir émerger ce lieu par la collaboration entre acteurs.

Il nous reste à imaginer et tester, ensemble, comment co-gérer un lieu et articuler les aspirations de chacun.e.s … Sacré chantier ! Allez, on retrousse nos manches : les prochains mois seront ponctués de temps de travail collectifs et d’expérimentations pour envisager et construire les différentes possibilités qui s’offrent au lieu commun Masaryk. Affaire à suivre !

Les résidences sociales des QPV, généralement construites dans les années 1960-70, intègrent pour la plupart des locaux collectifs résidentiels (LCR). Ces « mètres carrés sociaux », calculés en ratio par logement, sont créés pour accueillir des services et activités pour les habitants et notamment pour les jeunes . Une circulaire de 1965 prévoit 3 types d’utilisations possibles :
– « liées au logement » : ateliers de bricolage, buanderie, coopérative d’achat, téléphone
– « collectives » : pour les réunions de jeunes et d’adultes
– « collectives spécialisées » : pour les ateliers clubs.

Pourquoi aujourd’hui réinventer ces espaces et leur gestion ?

En pratique, la gestion de ces locaux est souvent problématique. Parfois confiés à des associations locales peu structurées qui peinent à développer des activités régulières et ouvertes à l’ensemble des habitants, ces locaux sont trop souvent fermés ou mal gérés.

Cette situation est d’autant plus problématique que les besoins sont croissants, dans le contexte de précarisation et de vieillissement de la population de ces quartiers, alors même que les pouvoirs publics peinent à répondre à ces besoins . De même, l’absence d’animation en rez-de-chaussée facilite l’installation d’activités illicites apportant des nuisances importantes (trafic de drogue).

La récente crise sanitaire et la crise économique associée montrent aussi la forte vulnérabilité des populations habitant en QPV et la nécessité de créer des lieux de convivialité, de service et d’accueil des publics. De même, le développement de l’habitat inclusif, nouvelle solution d’intégration sociale des personnes porteuses de handicap ou dépendantes, induit aussi de nouveaux besoins de mise à disposition d’espaces communs pour les habitants et pour des services médico-sociaux. L’enjeu est d’autant plus important qu’il est créateur d’emploi, et donc particulièrement sensible dans ces quartiers.

Les prérequis incontournables pour activer ces espaces : inclusion et innovation sociale et économique

Inclusion sociale : il est essentiel de mixer les publics au sein de ces espaces. D’une part, les besoins des personnes concernées par les problématiques de handicap et de dépendance sont prioritaires et vont aller croissants dans les prochaines années, notamment avec le développement de l’habitat inclusif. D’autre part, ces lieux collectifs doivent être ouverts à tous, les besoins étant importants pour l’ensemble de la population, notamment les jeunes. De plus, l’objectif est aussi de développer des logiques de solidarité et d’interconnaissance entre les différents publics.

Innovation sociale et économique : au vu des défis de gestion, il est nécessaire d’inventer des nouveaux modes de coopération entre institutions, habitants et associations. Il s’agit de créer des nouveaux modèles qui permettent les synergies nécessaires à leur appropriation et à leur pérennité, notamment sur le plan financier.

Les réhabilitations dans le cadre du NPNRU : une opportunité pour inventer et répliquer

De nombreuses réhabilitations de résidences sociales sont prévues dans le cadre du projet de renouvellement urbain de Sevran. Tout particulièrement, la résidence Mazaryk, gérée par Vilogia (290 logements), va faire l’objet d’une réhabilitation ambitieuse, qui prévoit notamment d’activer les rez-de-chaussée, actuellement murés.

Ce sont près de 1 600 m² qui seront recréés. Il est aujourd’hui envisagé de créer des logements inclusifs, qui pourront bénéficier de la situation en rez-de-chaussée et de jardins. Pour répondre au mieux aux besoins de ces ménages et de l’ensemble des habitants, des locaux collectifs résidentiels d’environ 500 m² seront créés pour accueillir des activités, selon un modèle qui reste à inventer.

Cette réflexion de reconquête des LCR peut aussi porter sur d’autres résidences, comme La Roseraie (Vilogia), au sein de laquelle les locaux sont de taille plus réduite (environ 60m²). Plus généralement, le NPNRU prévoit la réhabilitation de plus de 130 000 logements, ce qui constitue un potentiel majeur de réplication de la démarche sur d’autres résidences confrontées à des problématiques similaires.

Un article rédigé par Raphaël Frétigny, chef de projets, Vilogia.