#Les-communs

En mai 2021 débutait le programme Lieux Communs, avec une expérimentation sur un territoire pilote : la résidence Masaryk, à Sevran. Pendant 20 mois, la 27e région s’est associée au bailleur social Vilogia, à la Ville de Sevran et au bailleur CdC Habitat pour expérimenter une autre manière, plus ouverte, de gérer un local collectif résidentiel (LCR) en rez-de-chaussée de la résidence Masaryk, dont la gestion « traditionnelle » ne permettait pas la présence pérenne d’activités utiles aux habitant.e.s du quartier.

Accompagner l’émergence d’un collectif : premier pas vers le commun.

Parti.e.s au départ avec l’intention d’élaborer avec les acteurs du territoire sevranais une gouvernance renouvelée pour les LCR d’une résidence sociale transformés en tiers-lieu, et ainsi dessiner de nouvelles modalités de partenariat public-commun, il a vite fallu se rendre à l’évidence : la priorité était bien de poser les bases de ce commun. Et d’abord, de constituer une communauté d’acteurs, au-delà d’un simple groupe d’individus, avec chacun.e un intérêt propre pour le projet. Au fil des mois, les liens se sont tissés, en prenant le temps de faire connaissance, en participant à des ateliers collectifs, voire en organisant des activités ensemble. Faire commun ne se décrète pas et ne peut faire l’économie du temps et de la patience, garants d’un socle solide pour des coopérations futures. En même temps que la communauté se constituait, les travaux du lieu avançaient, laissant entrevoir ce à quoi le tiers-lieu allait ressembler, et offrant une place au collectif pour sa conception.

Vers un partenariat public-commun ?

À Sevran, des coopérations inédites sont à faire mûrir : l’épicerie sociale et solidaire implantée dans le tiers-lieu fera du CCAS un membre de la gouvernance au même titre que les structures locales qui s’y implanteront également ; le bailleur social, propriétaire des murs, doit encore trouver sa place, entre soutien, partenaire et contributeur, dans une organisation en construction. Pour ces deux structures, il faut aussi accepter qu’il ne soit pas possible de définir exhaustivement les modalités de gestion et d’organisation du lieu à ce stade, afin de laisser le temps au collectif de tester, se tromper, itérer pour trouver un modèle qui fasse commun. Ce sont les prémices de ces réflexions qui s’ouvrent à Sevran, esquissées lorsque nous avons abordé l’organisation quotidienne du lieu, son modèle juridique, son modèle de gouvernance …

Concrétiser des formes de partenariats publics-communs, c’est donc avant tout une question de postures pour l’acteur public (et le bailleur social dans le cas de Sevran) : accepter ce qu’il faut de lâcher prise pour préserver l’autonomie des communautés d’acteurs constituées, faciliter les coopérations locales (en jouant l’entremetteur, plus que le maître d’œuvre), sécuriser des pratiques plus collectives grâce à des outils administratifs et méthodologiques (chartes, convention de gestion, etc), endosser un récit de territoire mobilisateur et transformateur, qui valorise les initiatives locales et les ressources partagées.


Vous voulez en savoir plus ?

Un premier livrable relate notre cheminement à Sevran : la compréhension du territoire, la constitution d’un collectif, la réalisation d’un objet « en commun » pour penser des règles d’usage et un mode d’organisation des acteurs , et enfin les problématiques et pistes pour aborder les questions de gouvernance avec la communauté se constituant.

  • La version à lire en ligne par ici.
  • Et la version imprimable par là.

Un deuxième livrable, sous la forme d’une feuille de route destinée aux acteurs de Sevran pour poursuivre la démarche jusqu’à l’ouverture du lieu, que tout un chacun peut consulter par ici.

L’expérimentation à Sevran, ainsi que les autres productions du programme Lieux Communs sont documentées sur le blog.

Les communs sont-ils solubles dans l’économie, ou existe-t-il des modèles économiques viables et pérennes pour des projets reposant sur la pluralité des contributeurs et la coopération, sur des gouvernances plus démocratiques et ouvertes, des objectifs d’inclusion et d’émancipation ? Comment faire émerger des projets à dimension économique dans les rez-de-chaussée des quartiers en renouvellement urbain, qui puissent être porteurs d’utilité sociale, et quels modèles économiques pour de telles initiatives ? Un commun peut-il avoir des ressources hybrides, et lesquelles ? Comment donner une valeur à une économie non classique, à des projets qui cherchent à produire autrement, autre chose ? Dans quelle mesure les communs sont-ils finalement aussi porteurs d’une réflexion sur l ‘économie et ses finalités, sur le rapport au temps, au travail, au collectif, à une vie bonne ? Quelle position et quel rôle, toujours, pour l’acteur public dans ces histoires ? Voici quelques-unes des questions qui nous ont animés pour ce troisième atelier organisé avec l’ANRU.

 

KPA-Cités, des communs pour démocratiser l’économie ?

Simon Sarazin est contributeur au sein de différents communs ; il accompagne également des collectivités, des entreprises ou des organisations comme l’ADEME ou le CNED dans le développement de communautés de contributeurs autour de communs ou la production de ressources mises en partage. Il accompagne actuellement l’ADEME dans la préparation d’un second appel à communs.

Simon partage un panorama de différentes modalités d’échange et de valorisation à l’œuvre dans les communs, depuis la contribution (sur le modèle de Wikipédia), aux modes de financement direct par des logiques de cotisations, de dons, de subventions ou de co-investissement (par exemple la campagne de financement Adopte un commun), en passant par le financement indirect via la valorisation de supports (logiciel libre & vente d’accompagnement), la vente de produits ou de services associés (Formation, ateliers, etc.) ou des formes de réciprocité (par exemple le cadre de réciprocité de la Fresque du Climat).

Quelques exemples : la coopérative d’auto-construction de L’Atelier paysan ; Lichess, une association aujourd’hui n°2 mondiale des échecs en ligne, à l’économie basée sur du don, suffisante aujourd’hui pour faire vivre la ressource ; le tiers-lieu de La Raffinerie à La Réunion, qui utilise une monnaie-temps permettant de soutenir le volontariat dans le lieu ainsi qu’un principe de rétribution libre, en euros, pour les contributeurs du lieu. Ces derniers estiment leur rémunération selon différents critères (l’usage propre du commun, le budget collectif disponible, le temps passé, etc…) et dans un cadre précis (tableau de rétribution avec une certaine transparence pour faciliter l’auto-régulation).

Ces exemples font aujourd’hui la preuve qu’il est possible de développer une activité économique fondée sur le partage (de connaissances, de matériaux…) et l’open source. Par exemple, les plans en libre accès proposés par le projet Vhélio permettent de fabriquer des vélos électriques à recharge solaire ; il en va de même pour d’autres objets tels que la bouilloire JAREN, réparable grâce à l’open source. Avec ces nouvelles possibilités de fabrication, de production et de réparation, c’est le développement d’une économie locale qui devient accessible et mobilisable dans les territoires. Le développement de telles initatives est soutenu par des dynamiques collectives, par exemple le réseau social Communecter, des plateformes comme « CoopCycle » ou « Coop Circuits » dans le domaine de l’alimentation, ou encore l’arrivée d’une fédération de ces plateformes – Licoornes. De telles initiatives recensent et mettent en lien les projets, et produisent à leur tour des ressources ouvertes et partagées. L’enjeu pour l’économie des communs porte sur la nécessité de lier besoins locaux et besoins globaux.

Simon Sarazin œuvre notamment pour le programme KPA-Cité dans un quartier en renouvellement urbain à Boulogne-sur-Mer. Il s’agit de lancer un collectif d’habitants, intégré à une Coopérative d’Activité et d’Emploi (la CAE en tant que ressource partagée est une forme de commun en elle-même), pour produire des activités économiques coopératives au sein d’un lieu partagé et ainsi rendre les habitants et les habitantes acteurs de leur remobilisation professionnelle. La mutualisation par les communs permet de baisser les coûts d’investissements et de donner accès à une meilleure connaissance économique. Toutefois, le défi demeure d’avoir des lieux. Simon insiste en ce sens sur le rôle de facilitateur de l’acteur public pour mener à bien ce type de projet, par exemple pour répondre au besoin d’espaces communs, de lieux ouverts et partagés, de partage de savoirs, etc. Le numérique joue également un rôle important pour soutenir la relation et la création de savoirs, avec l’importance des forums ou de plateformes comme Communecter ou de la documentation partagée, qui participent à la valeur contributive.

Le revenu de transition écologique, expérimenter une économie à finalité de transition, d’inclusion et d’émancipation

Jean-Christophe Lipovac dirige en France la Fondation Zoein, qui accompagne des collectivités dans le développement d’un revenu de transition écologique. Imaginé par Sophie Swaton et impulsé à Grande Synthe à partir de 2019, il a pour objectif de soutenir les personnes en reconversion professionnelle ou en insertion qui cherchent à développer de nouvelles activités à vocation de transition écologique dans des domaines variés (mobilité active et réparation de vélo, compostage semi industriel, éducation au bien vivre alimentaire, artisanat, illustration, etc.). Mis en œuvre dans le cadre d’une coopérative d’activité et d’emploi, il permet d’appuyer les porteurs de ces projets dans leur phase d’amorçage, en proposant une garantie de revenu, une aide à l’investissement de départ, un accompagnement ainsi que la mutualisation des coûts, des pratiques, des connaissances.

Concrètement, dans un territoire où 31% d’habitants vivent sous le seuil de pauvreté, 29% sont au chômage (40% chez les jeunes), il s’agit d’inventer de nouvelles formes économiques combinant justice sociale et transition écologique pour : soutenir des activités souvent mal valorisées et isolées, mais qui sont des maillons essentiels à la transition écologique et sociale d’un territoire ; aider des personnes à sortir de conditions d’existence précaires en en faisant des acteurs de la transformation de leur territoire ; et contribuer à générer des emplois et des activités de qualité, non délocalisables et utiles au territoire.

La Ville a joué un rôle d’impulsion et de facilitation important dans l’expérimentation : à la fois pour la mise en réseau des acteurs (Maisons de Quartier, Maison de l’Emploi Local , BGE, Cité-Lab) et la création d’une culture commune, mais aussi en mettant à disposition d’anciens locaux d’une école pour ouvrir un espace d’accueil pour les porteurs de projets et créer ainsi du collectif.  Concrètement, la coopérative d’activité et d’emploi prend la forme d’une Société Coopérative d’intérêt Collectif (SCIC), sans but lucratif et à vocation de Coopérative d’Activité et d’Emploi (CAE) : TILT. La forme de SCIC permet à la ville d’être sociétaire, aux côtés de 15 autres sociétaires ; les porteurs de projets, sous contrat d’entrepreneur.es salarié.es,  siègent au conseil d’administration au même niveau que le maire ou la présidente de la fondation Zoein. La présence de la Fondation dans la gouvernance permet d’être tiers des échanges, de sécuriser les partenaires, de consolider la confiance.

Aujourd’hui, la Fondation Zoein cherche à essaimer l’expérience du Revenu de transition écologique et à contribuer à d’autres « preuves de concept » dans des contextes territoriaux différents (urbains, ruraux) mais qui ont pour traits communs d’être des territoires fragiles, en déclin (Tournons d’Agenais, Limoux…). Il ne s’agit pas tant de reproduire un modèle «unique», que de s’adapter à chaque territoire dans une démarche de recherche-action, avec une finalité commune : l’émergence de nouveaux modèles économiques et d’emplois écologiques et solidaires dans les territoires.

 

L’économie contributive en tiers-lieu, donner de la valeur aux contributions multiformes  

Gwenola Drillet coordonne le projet de l’Hôtel Pasteur à Rennes. Cette ancienne faculté des sciences réinvestie est aujourd’hui portée par une association collégiale composée d’acteurs du territoire. Défendu comme un « commun », il donne accès à des espaces de travail, d’apprentissage et d’expérimentation et soutient l’émancipation individuelle et collective. Il permet aussi bien de concrétiser une idée, que de se donner la possibilité de faire un pas de côté par rapport à son cadre habituel. Cette communauté ouverte s’engage pour prendre soin du bâtiment mais aussi de la vie qui s’y déploie grâce à une gestion collective du lieu et aux valeurs communes qui se façonnent au quotidien. L’association partage le lieu avec deux structures publiques : l’Edulab et une école maternelle, faisant du lieu un laboratoire de coopération public-commun.

En tant qu’association, l’Hôtel Pasteur dispose de subventions publiques, et de partenariats avec différentes structures de la Ville (le CCAS, les Champs Libres par exemple). Chaque partenariat s’appuie sur un cadre de réciprocité, venant acter une contribution (monétaire mais également en terme d’expertise, d’intérêt pour certains sujets, etc.) et une forme de rétribution de la participation de chaque acteur (ce que le commun apporte au partenaire). Les hôtes accueillis (entre 3h et 3 mois) dans le lieu adhèrent eux à prix libre et conscient, l’adhésion permettant avant tout d’acter le partage de la responsabilité et l’engagement dans le lieu.

Par souci de valoriser ce qui n’a usuellement pas de valeur comptable, l’Hôtel Pasteur a mis en place un budget contributif, reposant sur une typologie de contributions comprenant l’entretien et l’aménagement du lieu, la documentation (nourrir des ressources communes), la participation à la gouvernance, la veille et la transmissions de savoirs et compétences, les dons matériels évalués selon la valeur de ces biens. Ces contributions sont renseignées dans un tableur Excel, permettant leur valorisation par leur indexation au salaire net horaire INSEE de Rennes (soit 14,5 euros/h). Une fois ces données traduites en valeur fiduciaire, elles sont intégrées au compte de résultats de l’Hôtel Pasteur. La part de l’économie contributive apparaît ainsi aux côtés des subventions de la Ville et des autres partenaires dans le budget global.

Le mécénat de compétences est une autre forme de contribution à l’œuvre à l’Hôtel Pasteur, avec l’un de ses partenaires. Autrefois réservé au secteur privé, le mécénat de compétences s’élargit au secteur public à titre expérimental pour une durée de cinq ans (loi 3DS). Dans ce cadre, l’expertise métier et les aspirations des agents sont mises au service du projet collectif. Au-delà de la posture du financeur, le mécénat de compétences permet une implication directe dans le quotidien du lieu.

Voir aussi l’exemple de la Cascina Roccafranca, où les contributions des parties prenantes s’inscrivent dans la forme juridique d’une Fondation atypique en participation développée à Turin, dans laquelle la collectivité est impliquée via le détachement de certains fonctionnaires pour des tâches spécifiques (comptabilité, communication, etc.), participant de ce fait à la viabilisation du fonctionnement.

ARTICLES & DOSSIERS: 

Le dossier de Claire LEGROS – Journal Le Monde 

Durant l’été 2020, Claire Legros (Le Monde) publiait une série en 6 épisodes intitulée « Le retour des communs »: 

Les dossiers de la revue Horizons Publics 

SITES INTERNETS & BLOGS: 

 

Sites ressources : 

Sur la dimension juridique : 

Sur la gestion de ressource, les initiatives de remunicipalisation : 

Sur la dimension économique et l’achat public, etc : 

Sur les communs négatifs : 

  • Une définition dans le glossaire sur politique des communs, la présentation de l’ouvrage ‘Héritage et fermeture’ de Alexandre Monnin, Emmanuel Bonnet et Diego Landivar qui sont à l’origine de la notion, et différents projets plus concrets développés sur ce thème dans le cadre du Master qu’ils pilotent à l’ESC Clermont (par exemple Renoncer démocratiquement à des équipements sportifs, Réaffecter les parkings souterrains en ville ou Penser une alternative au Terminal 4 de l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle..)

LIVRES: 

En 2018, la 27e Région lance Enacting the commons, un projet de voyage apprenants en Europe :pour comprendre quelles évolutions et inventions les administrations publiques peuvent opérer pour se saisir de la piste fertile d’une « gestion en commun ».

=> La page de l’enquête sur la site de la 27e Région

Article rédigé par Sylvine Bois-Choussy, La 27e Région, 2018.

Qu’il s’agisse d’espaces publics, de ressources naturelles ou d’informations et de savoirs, des citoyens de plus en plus nombreux s’organisent aujourd’hui pour gérer des communs. Ces initiatives  sont diverses, des chartes des communs urbains aux initiatives autours des logiciels libres par exemple. En 2015, nous avions mené un travail de défrichage sur cette notion des communs. En 2017 et 2018, nous poursuivions ce questionnement avec plusieurs partenaires: POP, Savoircom1, Esopa Productions, les villes de Brest et de Grenoble avec l’objectif de lui donner une dimension européenne. Depuis, notre projet a été sélectionné dans le cadre du programme Erasmus + de l’Union Européenne, qui nous permettra, pendant 2 ans, de mener ensemble différents voyages d’exploration en Europe sur le sujet! Ce programme soutien en effet la mobilité des adultes et l’apprentissage informel, avec pour objectif l’émergence de communautés professionnelles européennes, le partage des pratiques, le développement de nouvelles compétences, etc.

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Image: Reviving the abandoned Stoa Emporon gallery in Athens, projet REFILL Europe (URBACT)

Le mouvement des Communs désigne les initiatives concernant des ressources matérielles (forêt, eaux, etc.) ou immatérielles (connaissance, création, etc.) partagées entre une communauté d’utilisateurs qui déterminent eux-mêmes les modalités régulant la gestion, l’usage, l’enrichissement de leur ressource ; il repose sur un ensemble de pratiques collaboratives et contributives. Ce mouvement connaît aujourd’hui un essor en Europe. De telles initiatives sont souvent menées par des organisations privées (associations, communautés informelles, etc.) ; si elles émergent fréquemment sans les élus et les administrations publiques, elles doivent cependant trouver soutien et légitimité auprès de ceux-ci pour perdurer. Un nombre croissant de gouvernements locaux cherchent d’autre part à développer des démarches autour des communs.

Comment, donc, cette notion vient-elle interroger l’action publique? Quel est le rôle des collectivités, des administrations et des élus dans ce contexte de gouvernance partagée avec les citoyens ?  Comment équiper les acteurs publics pour leur permettre de concevoir et mettre en œuvre des politiques et services publics prenant en compte ces notions, dans un cadre renouvelé de gouvernance? Telles sont les questions que nous aimerions explorer avec nos partenaires.

La préparation de la candidature nous a permis d’identifier des projets inspirants en Europe. Quelques exemples du coté des initiatives de la société civile et des organisations parapubliques… 

Gotéo, en Espagne est une plateforme pour le partage, la production et le micro-financement d’initiatives visant à renforcer les communs ; elle développe, avec des collectivités comme Barcelone, un système de ‘matching funds’ en direction d’initiatives locales, redessinant les mécanismes traditionnels de soutien aux projets par les gouvernements locaux. A Bruxelles (Belgique), le Community Land Trust  cherche à répondre à la crise du logement : considérant le sol comme un bien commun à préserver, il agit dans le cadre d’une gouvernance tripartite associant habitants, représentants des pouvoirs publics et de la société civile. A Naples (Italie), l’Acqua Bene Comune est en charge depuis 2006 de la gestion de l’eau napolitaine ; possédée par les habitants, elle est gérée dans l’intérêt de la communauté dans son ensemble et des générations futures. A Brême (Allemagne), l’agence ZZZ joue le rôle d’intermédiaire entre promoteurs, bailleurs et les organisations en quête d’espace utilisable. A Varsovie (Pologne), l’association Open Jazdow mène un projet d’autogestion et revitalisation d’un quartier patrimonial sur le site de l’ancien hopital Ujazdowski. 

… et du coté des gouvernements locaux qui s’emparent de la question.

Gent (Belgique), à l’initiative de son maire Daniel Termont, a développé un Plan de transition vers les communs, avec l’appui de la PtoP Foundation ; celui-ci documente et contextualise le développement d’initiatives relevant des communs en Flandre, et explore les opportunités que portent ces modèles nouveaux en termes de co-construction de la ville ou de manière d’adresser des enjeux tels que la transition écologique par exemples. L’administration a évolué pour prendre en compte ce mouvement, expérimentant par exemple la création du Policy Participation Unit, composée de « neighborhood managers » en charge d’assurer un lien direct entre les élus et le terrain et de faciliter les initiatives citoyennes.
Depuis 2011, Bologne (Italie) a initié un processus politique pour développer la gouvernance des biens communs urbains. Après deux années d’expérimentation, elle a adopté le règlement de Bologne sur la collaboration civique pour les communs urbains, pacte de collaboration par lequel la ville et les citoyens s’accordent sur une intervention de soin et de régénération des espaces et bâtiments vacants. Depuis l’approbation du règlement, 280 pactes de collaboration ont été signés et l’outil a aujourd’hui inspiré d’autres villes italiennes et européennes.
A Athènes (Grèce), dans un contexte de crise et de retrait des acteurs publics, la plateforme SynAthina permet de recueillir les idées de citoyens sur la façon d’améliorer leur ville et de les mettre directement en contact avec l’administration ; au besoin, les règlements et procédures sont mis à jour pour faciliter la mise en oeuvre de projets novateurs et la municipalité utilise les commentaires pour définir ses priorités. Il s’agit ainsi d’un processus d’apprentissage mutuel et de mise en réseau des acteurs. La plateforme a facilité près de 2 000 activités de 222 groupes locaux.
A Poznan (Pologne), enfin, la ville a mis en place différents programme pour expérimenter l’usage temporaire d’espaces vacants impliquant associations et habitants dans leur régénération.

Ces quelques initiatives, ainsi que celles, bien plus nombreuses, répertoriées dans des ressources précieuses comme l’Atlas des chartes de communs urbains, constituent dans des contextes européens très divers des expérimentations concrètes de modalités de développement de communs : juridiques et administratives (chartes et règlements des communs, conventions d’occupation ou de gestion, etc.), économiques (nouveaux modes de rétribution, utilisation de licences ouvertes/à réciprocité, monnaies libres, etc.), organisationnelles et partenariales (gouvernance partagée, plateformes coopératives, code social, etc.), méthodologiques (co-conception, co-design, animation de communautés, etc.), etc.
Elles inventent aussi de nouvelles façons d’agir pour l’acteur public: d’autres modes de relation aux acteurs locaux, d’une posture d’initiateur à une posture d’intermédiateur (match making, appels à communs, etc.) ; de nouveaux modes de soutien (mise en réseau, mise en capacité, soutien à effet levier, etc.), le développement de l’utilisation et de la contribution aux communs (développement de l’open data et des outils partagés, utilisation de tiers lieux, etc.), une transformation des méthodes et pratiques de travail (ouverture de la ressource, travail en transversalité, etc.) ; de nouveaux corpus de valeurs et modes d’incarnation de l’action publique ; etc. De tels processus peuvent s’appliquer à des sujet très divers: gestion des espaces vacants, préservation des ressources naturelles et environnementales, accès à la culture et au patrimoine, logement et propriété foncière, etc.

En offrant la possibilité d’une dynamique collective pour agir et décider ensemble, le mouvement des communs est, en Europe, un vecteur de revitalisation d’une citoyenneté locale ; en proposant de s’émanciper d’une approche binaire entre marché et puissance publique, il ouvre de nouvelles perspectives politiques. Il revêt donc un potentiel en termes de transition sociétale, d’enrichissement de nos démocraties représentatives, de constitutions de communautés ouvertes, de développement d’une société solidaire et créative. Nous espérons pouvoir explorer cela plus en avant à la faveur de ce programme européen… Début à l’automne 2018 !

En attendant, ici quelques liens et articles qui nous ont semblé inspirants sur le sujet :

Renouveller le paradigme démocratique. Comment le municipalisme initie à une autre relation au pouvoir politique, Charlotte Marchandise et Elisabeth Dau – Institut de recherche et débat sur la gouvernance

Appropriation sociale du numérique, communs et politique publique, retours sur l’expérience de la Ville de Brest, Michel Briand et Bernard Brunet – Netcom

Learn to act, l’expérience d’une dizaine de communautés locales organisées autour des communs en Europe, Kathrin Böhm, Tom James et Doina Petrescu – AAA/peprav

Notre-Dame des Landes: demain est déjà à l’oeuvreLuc Gwiazdzinski et Olivier Frérot – Libération (20 janvier 2018)

L’Atlas des Chartes des communs urbains, un processus collaboratif de création, production et partage de connaissances sur les outils juridiques qui permettent de faire vivre les communs, Remix the commons

Le site des Assemblées des communs, qui se développent rapidement à l’échelle des villes.

Article rédigé par Nadège Guiraud, La 27e Région, 2016.

A La 27e Région, nous nous passionnons depuis quelques mois pour la question des communs. Avec un premier constat : cette notion centenaire revient à la mode et porte en germe une véritable révolution culturelle, mais recouvre des réalités encore mal comprises et souvent complexes à appréhender…

Tout d’abord, de quoi parle-t-on ?

Celles et ceux qui s’intéressent aux communs ne seront pas étonnés de lire ici cette définition : « un commun, c’est une ressource, une communauté, et une structure de gouvernance ».

Prenons simplement un exemple concret, pour illustrer :

Les prud’homies de pêcheurs en Méditerranée sont des communautés de pêcheurs qui décident ensemble des règles de pêche de leur communauté (longueur des filets, type de pêche, « quotas » etc.). Ils élisent au sein de leur communauté un prud’homme, reconnu par l’administration maritime comme un magistrat, qui est en charge de faire respecter ces décisions communautaires, avec le pouvoir de sanctionner si besoin. Les prud’homies remontent au Xe siècle et se formalisent au XIe siècle sous Louis XVI. Il en existe actuellement 33 en France (plus d’information par exemple sur cette page)…

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Les 33 prud’homies de pêche de Méditerranée

Nous retrouvons donc bien dans ce cas une ressource (la mer, les poissons et l’écosystème local de la prud’homie) ; une communauté (les pêcheurs locaux) ; et une structure de gouvernance (le prud’homme), doté de pouvoirs pour faire respecter les décisions de la communauté.

De nombreuses très bonnes ressources existent déjà sur les communs, et l’objet de notre article n’est pas de réinventer la roue. Alors pour ceux qui voudraient mieux comprendre ce que sont les communs, voici quelques conseils de lecture et de visionnage :

Après tout ça, vous vous demanderez peut-être (comme nous l’avons fait), pourquoi les communs restent méconnus, notamment dans la sphère des décideurs publics. L’article de Reporterre est éclairant sur ce point puisqu’il décrit les 6 obstacles principaux à la compréhension et à la diffusion du concept de bien communs.

Quel(s) rôle(s) pour la puissance publique dans l’aventure des communs ?

La nécessaire adaptation aux contextes locaux, la prédominance de la pratique et de l’action sur les concepts, l’expertise d’usage… toutes ces notions au cœur des communs font aussi parti de notre ADN et infusent nos programmes. Alors, si les communs questionnent un grand nombre d’acteurs et de modèles, c’est d’abord leur lien avec la transformation de l’action publique qui nous intéresse à La 27e Région. Quel nouveau rôle de la puissance publique les communs dessinent-ils ?

Entre soutien et protection, comment l’État et les collectivités peuvent-ils et doivent-ils faire vivre les communs sans porter atteinte à leur diversité (en terme de modes de gestion, de fonctionnement, de communautés impliquées …) ?

Avec pour corollaire une autre question : toute ressource a-t-elle vocation à devenir un commun, et comment éviter que les communs ne deviennent un prétexte au retrait de l’action publique là où elle est nécessaire ? On touche là du doigt ce qui semble être la controverse principale autour des communs comme modèle unique d’organisation sociale, notamment soulevée par Christophe Ramaux en 2015 dans un article de Marianne.

La 27e Région sur la voie des communs

Nos premiers pas dans l’univers des communs remontent à l’automne 2015, avec l’organisation d’un événement à Superpublic, dans le cadre du Temps des communs aux côtés de Sylvia Fredriksson, designer, Frédéric Sultan, membre de l’association Vecam et coordinateur du projet Remix the commons et Nicolas Loubet, fondateur de Cellabz. Déjà, nous nous interrogions sur notre blog sur le rôle des acteurs publics dans un contexte de pouvoir partagé avec les citoyens : les communs sont-ils une remise en cause ou un renouveau de notre démocratie locale ?

En décembre dernier, nous avions lancé un appel à la coopération et au libre partageentre acteurs publics ainsi qu’à l’innovation dans les modes de gouvernance, inspirés de la réflexion sur les communs et des initiatives portées par ses promoteurs.

Depuis, nous participons au cycle d’ateliers d’exploration des communs urbains et de leurs mécanismes juridiques, mené dans le cadre du projet de développement de l’Atlas des Chartes des Communs Urbains.

Enfin, plusieurs de nos complices et partenaires s’intéressent aussi à la question des communs ou en sont des promoteurs actifs. Par exemple, dans le Nord, POP œuvre notamment à la création d’une chambre des communs, espace neutre de coopération pour la production, le développement et la préservation des communs par et pour les acteurs économiques, associant les collectivités publiques du territoire. Lancement prévu lors de l’événement ROUMICS 2016 à Lille !

Les initiatives foisonnent, les Communs vont-ils (et doivent-ils) devenir un projet politique à l’approche d’une année électorale ? Affaire à suivre …

Article rédigé par Margaux Brinet, La 27e Région, 2015.

Le 6 octobre 2015, Superpublic accueillait un événement, dans le cadre du festival Le Temps des Communs. Il s’agissait dans un premier temps de présenter plusieurs initiatives dans le champ des communs urbains aujourd’hui, puis de débattre sur le sujet « La démocratie locale à l’épreuve des communs ». Retrouvez une émission de France Culture sur les communs ici.

La soirée était co-organisée avec Sylvia Fredriksson, designer, Frédéric Sultan, membre de l’association Vecam et coordinateur du projet Remix the commons et Nicolas Loubet, startuper, fondateur de Cellabz.

LES « COMMUNS », JUSTE UN MOT À LA MODE ?

Les communs, ce sont « les choses qui n’appartiennent à personne et dont l’usage est commun à tous » d’après l’article 714 du Code Civil. Qu’il s’agisse d’espaces publics, de ressources naturelles ou d’informations et de savoirs, des citoyens s’organisent aujourd’hui pour gérer ces biens communs.
Quel est le rôle des collectivités, des administrations et des élus dans ce contexte de pouvoir partagé avec les citoyens ? Les communs sont-ils une remise en cause ou un renouveau de notre démocratie locale ?

LES COMMUNS QUESTIONNENT NOS MODES DE PROPRIÉTÉ ET DE GOUVERNANCE

On peut décrypter le retour en force des communs comme celui de l’engagement citoyen. Souvent, les communs se rapprochent de l’idée d’autogestion : la population n’est plus passive, elle se prend en main et agit pour changer ses conditions de vie (d’après le livre sur l’autogestion d’Henri Lefebvre dans les années 1960). Pour autant, cette forme d’organisation autogestionnaire est complémentaire des systèmes d’action légaux comme le souligne Guillaume Gourgues. Dans « Repenser les biens communs » (Béatrice Parange et Jacques Saint-Victor), on peut lire que « le droit moderne occidental a fait de la propriété, publique ou privée, la pierre angulaire de tous les rapports entre les personnes et les choses ». Les communs sont emblématiques d’un monde en transition, comme le sont l’économie collaborative et l’économie du partage. Il ne faut pas non plus sous-estimer la place du numérique dans la remise en question du principe de propriété : « Les réseaux [via Internet] facilitent l’émergence de larges communautés distribuées, susceptibles de se mobiliser pour créer et partager les savoirs » comme nous pouvons le lire sur le site du Festival du Temps des Communs.

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LES COMMUNS : COMMENT L’ÉLU PEUT-IL S’EN EMPARER ET POURQUOI ?

Lors de la soirée du 6 octobre, Pauline Véron, adjointe à la Maire de Paris, a présenté le processus de budget participatif : 5% du budget d’investissement de la Ville a été réservé à la mise en oeuvre des projets proposés par les parisiens eux-mêmes via un site internet dédié. Il s’agit là d’un exemple concret de ré-appropriation d’une part de la population parisienne des décisions qui la concernent, sans toutefois remettre en cause radicalement le mode de relations classique entre élus et citoyens.

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Autre témoignage : celui de LabSus, laboratoire pour la subsidiarité en Italie, à l’origine de réglements de collaboration entre citoyens et collectivités locales pour régénérer et faire vivre les biens communs, signés à ce jour par une quarantaine de villes italiennes (la première charte, celle de Bologne, est disponible en Anglais). Ces outils administratifs sont également une tentative de débureaucratisation des processus, pour une collaboration plus directe entre les parties prenantes sur un territoire. Comme Daniela Ciaffi, membre de LabSus, le souligne, il y a une différence notable entre la participation et la collaboration : dans les processus de participation,  l’idée soumise aux citoyens provient des élus, alors que la collaboration suppose de donner aux citoyens une place à part entière dans la conception et le portage des projets. Comme le souligne Emile Hooge, consultant à Nova 7, expert en innovation urbaine, c’est en incluant l’ « amateur » (par opposition aux professionnels tels que les ingénieurs territoriaux ou autre) dans la prise de décision, que l’élu est véritablement questionné. L’élu doit savoir s’effacer, tout comme l’expert, pour laisser place à la voix des citoyens et véritablement co-construire la ville et le territoire autour de la notion de biens communs.

LES COMMUNS : UNE VRAIE PORTE OUVERTE À LA DÉMOCRATIE PARTICIPATIVE ? EXEMPLE DE PROJETS :

La soirée a démarré avec la présentation de projets autour des biens communs :
Cap (comprendre et agir à Paris) ou pas cap : catalyseur d’initiatives citoyennes, via une plate-forme numérique
CivicWise : plate-forme de co-design qui favorise l’engagement civique et l’urbanisme collaboratif
OSCEDays : CityLab du 11 au 15 juin, événement qui visait à « remixer » la ville par l’économie circulaire
DormoyLabs : un laboratoire local des communs dans le 18e arrondissement de Paris
Point Carré : coopérative et futur tiers-lieu à Saint-Denis
OpenLab Bron Lyon : un open lab installé sur le chantier des Galeries Lafayette de Lyon pour initier des projets urbains collaboratifs
Curry Vavart : collectif pluridisciplinaire qui organise espaces de vie, de création et d’activité partagées, sous forme de squat
la Myne : lieu autogéré abritant les activités de la Paillasse Saône et espace d’expérimentation de projets citoyens innovants
Gare Remix : événement créatif et collaboratif 24 au 26 avril à Lyon. Retrouvez une vidéo de l’événement ici

Ces différentes initiatives entendent promouvoir un modèle de co-création et d’appropriation des enjeux urbains par les citoyens. En poussant les habitants à s’intéresser et à participer, elles leur enseignent une autre forme de pouvoir et de devoir citoyen.

Retrouvez plus de détails sur la présentation de ces initiatives dans le storify de la soirée.

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Elles posent la question de la légitimité démocratique (pour l’instant en France très liée au mandat électif) et du rôle de garant de l’intérêt général que peut (que doit?) continuer à jouer l’acteur public, dans un cadre renouvelé de gouvernance. Se pose aussi la question du lien entre élus et citoyens dans les projets qui ont pour but de préserver ou créer des communs; les projets émergent souvent sans les élus mais doivent trouver in fine une forme de soutien et de légitimité auprès du politique pour aller plus loin ou perdurer …

Article rédigé par Nadège Guiraud, La 27e Région, 2015.
Notre décision de mettre en veille le programme partenarial État-collectivités RE•ACTEUR PUBLIC, 20 mois après son lancement en témoigne : il n’est pas si simple, par les temps qui courent, de convaincre des acteurs publics de mettre au pot commun pour financer et produire des actions et ressources partagées, que ce soit, notamment, en matière de formation des fonctionnaires, de rénovation des pratiques administratives ou de production d’un nouveau récit de l’action publique.

COOPÉRATION ET PARTAGE : UNE IMPÉRIEUSE NÉCESSITÉ POUR LES ACTEURS PUBLICS !

Pourtant, en période de restriction des budgets publics et alors qu’on n’a jamais autant parlé de coopération, la voie du partage devrait s’imposer à tous, à l’opposé du climat de concurrence qui règne encore trop souvent entre collectivités, entre établissements publics mais aussi entre écoles d’administration. Si les acteurs publics ne mettent pas rapidement les bouchées doubles pour coopérer et partager, alors qui le fera ? Combien de temps avant que les citoyens eux-mêmes manifestent un ras-le-bol de ce déficit de coopération ? Alors comment inciter ces organisations, au delà de leurs stratégies propres, à mettre en commun leurs savoir-faire, leur ingénierie et leurs investissements pour concevoir et développer ensemble des ressources partagées et librement accessibles ?  

Le champ émergent de la formation à l’innovation publique gagnerait notamment à faire l’objet d’un effort collectif tant les enjeux de transformation de l’action publique sont forts. Les initiatives foisonnent déjà, comme l’a révélé le débat « Des formations ou déformation à l’innovation publique ? » qui s’est tenu dans le cadre de l’édition 2015 de la Semaine de l’innovation publique. Pour faire face aux besoins croissants et préserver la qualité des contenus et des formats, elles doivent s’organiser, réfléchir au croisement et à la capitalisation des expériences. Le nuancier de formation pour une action publique ingénieuse  que nous avons produit dans le cadre de RE•ACTEUR PUBLIC est un premier pas, une première tentative pour poser un socle commun.

S’INSPIRER DES RÉFLEXIONS SUR LES COMMUNS

En la matière, la réflexion sur la notion de biens communs et les initiatives portées par les acteurs du « mouvement » des communs (mis à l’honneur en octobre dernier dans le cadre du festival Le Temps des Communs) sont inspirantes. Elles invitent à redessiner un pouvoir partagé, un nouveau mode de gouvernance des communs, « ces choses qui n’appartiennent à personne et dont l’usage est commun à tous » (article 714 du Code Civil), qu’il s’agisse d’espaces publics, de ressources naturelles ou d’informations et de savoirs. Une notion qui entre en résonnance avec celle de l’intérêt général dont les acteurs publics sont les garants.
Les « commoners » inventent chaque jour des règles de gestion et de partage équitable des ressources, et expérimentent des modèles économiques variés (mêlant logiques monétaires et non monétaires), qui permettent de faire vivre le commun, à l’heure où certains acteurs font encore des choix qui tendent à sa privatisation ou à sa destruction (le brevet en est l’exemple suprême).

Les acteurs publics ne doivent pas rester au bord du chemin. Ils doivent prendre pleinement part à ce changement culturel en contribuant à cette réflexion et en expérimentant à leur niveau.
Ils doivent d’abord diffuser plus largement leurs analyses et productions, dans un mode « open source ». Combien de notes, d’études ou de rapports réalisés par une collectivité ne gagneraient-ils pas à être partagés avec d’autres, et donc plus lus, plus utilisés … et plus susceptibles d’être mis en œuvre ? Beaucoup d’acteurs aujourd’hui ne s’y opposeraient sans doute pas, mais ce n’est pas (encore) dans leur culture et dans leurs pratiques.

Les acteurs publics doivent aussi innover dans les modes de gouvernance et la création d’outils juridiques adaptés, à l’image des chartes et règlements des communs dont plusieurs villes italiennes (c’est Bologne qui a ouvert la voie ) se sont dotées ces dernières années pour encourager les habitants à faire vivre leurs communs et définir collectivement les règles de ces « partenariats public-commun », selon l’expression de Valérie Peugeot, présidente de l’association VECAM. Initiative remarquable en la matière : le projet d’Atlas des chartes des communs urbains porté par Remix the Commons, qui vise justement à documenter les chartes existantes et à permettre la création de nouvelles, adaptées à leurs contextes et à aux droits locaux.

INVENTER DE NOUVEAUX MODES DE CONTRIBUTION

Enfin, les collectivités doivent repenser et amplifier les modalités de cofinancement des projets produisant du commun, les leurs et ceux des autres, qu’ils émanent d’autres acteurs publics ou de la société civile. Pourquoi ne pas imaginer un modèle de crowdfunding inter-administrations (nous on a tenté en tous les cas) ou s’inspirer des SEL (Système d’échange local) pour développer des modes d’échange et de contribution non monétaires ? Ou déjà, plus simplement, développer et élargir le recours aux études en souscription, courantes dans les champs du marketing et des enquêtes d’opinion, qui permettent de partager les coûts, mais aussi les résultats, entre les différents souscripteurs.
Dans tous les cas, se pose la question des lignes budgétaires sur lesquelles financer les réflexions et la production de ressources sur le sens et les méthodes de l’action publique, le fameux 1% R&D de l’action publique, aujourd’hui inexistant …