Lieu commun Sevran : c’est parti !

Établir une correspondance avec les habiatnt.es de la résidence sociale Masaryk- Visuel d'une carte postale, La 27e Région

Recits sonores

Comment imaginer un modèle d’organisation et de gestion collectives propre à un lieu, valorisant la coopération et la notion d’un commun, tout en donnant un nouveau rôle à l’acteur public ? Comment cela se traduit-il en termes d’équipe, de modalités de prise de décision, de programmation co-construite, de gestion et de fonctionnement quotidien ? Comment cela impacte-t-il l’administration, et comment cela transforme-t-il l’action publique (ses pratiques, ses outils, ses modes d’action) ? 

C’est le chantier que nous ouvrons avec Lieu Commun Masaryk. L’objectif est de co-construire et tester pendant 18 mois des activités et des formes nouvelles de partenariats, en impliquant les habitant.e.s pour mieux cibler leurs besoins, mais aussi les associations, des entrepreneurs locaux, les services et les élu.e.s de la Ville ainsi que les bailleurs sociaux, afin de relever ensemble le défi de la gestion et de l’animation des locaux collectifs résidentiels*, et voir quels enseignements transformateurs nous pouvons en tirer pour réinventer les politiques publiques. 

* locaux à usage collectif, souvent situés en rez de chaussée de résidences sociales, et destinés en priorité aux habitant.e.s du quartier

Co-construire l’enquête territoriale

En mai 2021, avant de partir à la rencontre des personnes qui pourraient constituer notre future communauté d’usager.e.s et gestionnaires du tiers-lieu, nous avons rencontré les élu.e.s de Sevran ainsi que les membres de ce que l’on appelle l’équipe cœur (les porteurs du projet Lieu Commun Masaryk : Vilogia, la Ville de Sevran, CDC Habitat), afin de poser le cadre du projet et de comprendre les attentes de chacun.

Les élu.e.s nous ont partagé leurs ressentis vis à vis des locaux collectifs résidentiels, et leur vision idéale d’une collaboration entre l’acteur public et les personnes et structures qui gèreront le futur lieu. L’atelier avec l’équipe cœur a permis à chacun d’exprimer ses attentes sur le projet, à titre personnel et pour sa structure, mais aussi pour le lieu et la dynamique du quartier. Afin d’inviter les acteurs à se projeter dans une vision positive du projet et de son fonctionnement, nous avions créé des récits audios (à écouter dans la colonne de gauche), projetant des personnages fictifs dans le quotidien du futur lieu. En plus d’ouvrir les imaginaires, ces récits ont permis de lever certains a priori et de dépasser les premières craintes exprimées. 

Un panorama des acteurs à aller interroger, susceptibles d’être réceptifs ou intéressés par le projet est alors dressé, et une cartographie collectivement élaborée. Des binômes inter-organisations sont constitués pour aller enquêter auprès des forces vives identifiées sur le terrain.  

A la rencontre des acteurs du territoire

Vous le verrez, on utilise beaucoup l’image de la soupe au caillou pour ce projet de lieu commun. En effet, à ce stade d’exploration du territoire et de mobilisation des acteurs, nous nous représentons le projet comme une grande marmite où les personnes ou structures identifiées (élu.e.s, directeur de la vie associative, associations, entrepreneurs, porteurs de projets…) viennent ajouter leurs ingrédients (les usages qui leurs tiennent à cœur) et constituer la recette de cette soupe parfaite ! La richesse de ces temps d’échanges a amené certains acteurs à nous guider vers d’autres personnes, qui avaient elles aussi un ingrédient particulier et singulier à apporter. Ces rencontres avaient pour toile de fond une grille d’entretien semi-directif, mais davantage qu’un respect stricto-sensu de l’ordre des questions et de leur formulation, ces dernières étaient avant tout un outil pour échanger, faire connaissance et commencer à amener le sujet de la gestion partagée. On vous donne un aperçu des lignes directrices de ces entretiens ci-dessous :

ZOOM sur la grille d’entretien

  1. Qui êtes-vous ? (présentation de l’organisme, petit historique) – Que faites-vous (vos actions) ?
  2. Quel regard portez-vous sur le quartier Montceleux ? Qu’est-ce qui vous plaît dans ce quartier ? Ses atouts / particularités / sa valeur ajoutée ? Dynamique habitante / dynamique collective / Initiative habitante. Quelles activités projetez-vous ?
  3. Comment coopérez-vous aujourd’hui avec les autres acteurs du quartier ?
    > acteurs publics (mairie, bailleurs, mission locale, CCAS, centre social, etc.),
    > associatifs
    > autres habitants
    > éventuellement économiques ?

Quelle est la nature des liens avec ces acteurs (liens foncier/immobilier, mise à disposition de locaux, relation financière, relation contractuelle avec l’acteur public, ressources humaines, budget commun, soutien logistique, bénéficiaires…) ?

Avec lesquels de ces acteurs entretenez-vous des relations privilégiées et sur quels sujets/thématiques ?

Qu’est-ce qui fonctionne dans vos relations avec les autres acteurs (publics, associatifs, économiques, autres habitants) ? Qu’est-ce qui, au contraire, ne fonctionne pas ? Quelle serait votre vision d’une coopération idéale avec ces acteurs ?

De quoi auriez-vous envie / besoin (pour votre structure et pour le quartier) ?

Quelles seraient vos envies, attentes et besoins concernant le futur lieu partagé au sein de la résidence Masaryk ? Est-ce que vous vous projetez avec d’autres acteurs dans un espace partagé géré collectivement ? (évoquer la gouvernance partagée)

Remarques de vocabulaire 
Plutôt utiliser le terme de lien / relation avec les autres acteurs que le terme de coopération . Plutôt parler d’un lieu commun / d’un lieu partagé et géré collectivement plutôt que tiers-lieu.

Cartographie des acteurs rencontrés, La 27e Région

En parallèle de ces rencontres, nous avons pris le temps de nous documenter, d’aller voir ce qui se fait ailleurs d’inspirant. Un travail de projection est nécessaire pour éveiller les imaginaires, et invite à se poser des questions concrètes : Quelles sont les possibilités pour l’articulation des usages ? Qui aura la clé ? Quelles pourraient être les instances et les modalités de prises de décisions ? Ces questionnements, il s’agira de les faire atterrir lors des expérimentations afin d’établir les réponses les plus appropriées au contexte du lieu commun Masaryk et de son vivier d’acteurs.

Si cette phase d’exploration marque le début du projet de Lieu Commun à Sevran, il est à noter qu’un groupe d’étudiant.e.s avait déjà préparé le terrain lors d’une immersion d’un mois dans la résidence sur le thème de l’autonomie des personnes âgées. Les enjeux ne sont pas tout à fait les mêmes, mais les relations que les étudiant.e.s ont établies avec certains habitant.e.s ont permis d’introduire plus facilement le projet du futur lieu collectif au rez-de-chaussée.

Le début d’une correspondance avec les habitant.e.s

Comment embarquer les habitant.e.s de Masaryk dans ce nouveau chapitre que nous voulons écrire ? Le lieu commun en rez-de-chaussée de la résidence aura un impact direct sur leur cadre de vie, et il va de soi qu’ils ont toute leur place dans le projet. Mais comment partager cette vision d’un lieu géré en collectif alors même qu’il ne s’agit justement que d’une vision, que les travaux n’ont pas commencé, que ce lieu n’a pas d’existence concrète, mais qu’au contraire, le passé est encore bien présent dans les esprits et rappelle des heures pas toujours joyeuses à ceux qui l’ont vécu (quand ces espaces étaient appropriés par des trafiquants de drogue au désarroi des habitant.e.s) ? Comment, en partant de cet héritage, ouvrir collectivement des perspectives et un nouveau chapitre pour un environnement apaisé et convivial ? Ces questions nous nous les sommes posées, et allons tâcher d’y répondre ensemble dans les mois qui viennent.

Pour embarquer les habitant.e.s, nous leur avons écrit. Pas une bouteille à la mer, mais une carte postale qui se veut le début d’une correspondance, d’un échange, pas forcément tout de suite, mais qui fera peut-être du chemin chez celles et ceux dont la curiosité sera titillée par ce geste d’invitation. Cette carte informait les habitant.e.s de notre présence lors de la réunion publique sur les travaux de réhabilitation programmée début octobre : une bonne manière de faire connaissance, d’en apprendre un peu plus sur le projet et de recueillir des envies.

Après plusieurs semaines de rencontres riches avec les acteurs du territoire, nous avons ainsi clôturé la phase d’exploration et d’enquête par une rencontre lors de la réunion publique organisée par le bailleur Vilogia.

Nous avons partagé les résultats de l’enquête aux habitants et aux acteurs présents sous la forme de poster (un “accrochage” dans le jargon de La 27e Région). Même si le travail avait commencé, l’enjeu était de montrer que tout reste à construire ensemble et que rien n’est figé : la typologie des espaces est indicative et sert de support à la projection et l’imagination, la cartographie des acteurs est mouvante. Et une question à la clef : Et vous ? Qui veut rejoindre le projet ? Avec quelles envies ? Les personnes intéressées étaient invitées à venir coller un post-it avec leur nom, un usage/une activité souhaitée ou proposée, une volonté de s’engager. On récolte les adresses mails, dans la perspective du premier atelier d’interconnaissance quelques semaines plus tard. 

Ainsi, début octobre, les contours d’un collectif réunissant habitant.e.s, bailleurs, élu.e.s, agents de la ville, associations, entrepreneurs, commençait à se dessiner. Certains avec des projets, d’autres avec des idées ou des “simples” motivations, mais tous avec l’envie de voir émerger ce lieu par la collaboration entre acteurs.

Il nous reste à imaginer et tester, ensemble, comment co-gérer un lieu et articuler les aspirations de chacun.e.s … Sacré chantier ! Allez, on retrousse nos manches : les prochains mois seront ponctués de temps de travail collectifs et d’expérimentations pour envisager et construire les différentes possibilités qui s’offrent au lieu commun Masaryk. Affaire à suivre !