Article rédigé par Nadège Guiraud, La 27e Région, 2016.
A La 27e Région, nous nous passionnons depuis quelques mois pour la question des communs. Avec un premier constat : cette notion centenaire revient à la mode et porte en germe une véritable révolution culturelle, mais recouvre des réalités encore mal comprises et souvent complexes à appréhender…
Tout d’abord, de quoi parle-t-on ?
Celles et ceux qui s’intéressent aux communs ne seront pas étonnés de lire ici cette définition : « un commun, c’est une ressource, une communauté, et une structure de gouvernance ».
Prenons simplement un exemple concret, pour illustrer :
Les prud’homies de pêcheurs en Méditerranée sont des communautés de pêcheurs qui décident ensemble des règles de pêche de leur communauté (longueur des filets, type de pêche, « quotas » etc.). Ils élisent au sein de leur communauté un prud’homme, reconnu par l’administration maritime comme un magistrat, qui est en charge de faire respecter ces décisions communautaires, avec le pouvoir de sanctionner si besoin. Les prud’homies remontent au Xe siècle et se formalisent au XIe siècle sous Louis XVI. Il en existe actuellement 33 en France (plus d’information par exemple sur cette page)…
Les 33 prud’homies de pêche de Méditerranée
Nous retrouvons donc bien dans ce cas une ressource (la mer, les poissons et l’écosystème local de la prud’homie) ; une communauté (les pêcheurs locaux) ; et une structure de gouvernance (le prud’homme), doté de pouvoirs pour faire respecter les décisions de la communauté.
De nombreuses très bonnes ressources existent déjà sur les communs, et l’objet de notre article n’est pas de réinventer la roue. Alors pour ceux qui voudraient mieux comprendre ce que sont les communs, voici quelques conseils de lecture et de visionnage :
- La très pédagogique et concise vidéo de Datagueule (4 mn top chrono)
- L’article synthétique de la BPI
- L’excellente émission qu’Arrêt sur images a consacré aux communs (ou ici pour les abonnés, ainsi que cet article)
- L’inépuisable wiki qui documente et illustre les idées et les pratiques entourant la question des biens communs
Après tout ça, vous vous demanderez peut-être (comme nous l’avons fait), pourquoi les communs restent méconnus, notamment dans la sphère des décideurs publics. L’article de Reporterre est éclairant sur ce point puisqu’il décrit les 6 obstacles principaux à la compréhension et à la diffusion du concept de bien communs.
Quel(s) rôle(s) pour la puissance publique dans l’aventure des communs ?
La nécessaire adaptation aux contextes locaux, la prédominance de la pratique et de l’action sur les concepts, l’expertise d’usage… toutes ces notions au cœur des communs font aussi parti de notre ADN et infusent nos programmes. Alors, si les communs questionnent un grand nombre d’acteurs et de modèles, c’est d’abord leur lien avec la transformation de l’action publique qui nous intéresse à La 27e Région. Quel nouveau rôle de la puissance publique les communs dessinent-ils ?
Entre soutien et protection, comment l’État et les collectivités peuvent-ils et doivent-ils faire vivre les communs sans porter atteinte à leur diversité (en terme de modes de gestion, de fonctionnement, de communautés impliquées …) ?
Avec pour corollaire une autre question : toute ressource a-t-elle vocation à devenir un commun, et comment éviter que les communs ne deviennent un prétexte au retrait de l’action publique là où elle est nécessaire ? On touche là du doigt ce qui semble être la controverse principale autour des communs comme modèle unique d’organisation sociale, notamment soulevée par Christophe Ramaux en 2015 dans un article de Marianne.
La 27e Région sur la voie des communs
Nos premiers pas dans l’univers des communs remontent à l’automne 2015, avec l’organisation d’un événement à Superpublic, dans le cadre du Temps des communs aux côtés de Sylvia Fredriksson, designer, Frédéric Sultan, membre de l’association Vecam et coordinateur du projet Remix the commons et Nicolas Loubet, fondateur de Cellabz. Déjà, nous nous interrogions sur notre blog sur le rôle des acteurs publics dans un contexte de pouvoir partagé avec les citoyens : les communs sont-ils une remise en cause ou un renouveau de notre démocratie locale ?
En décembre dernier, nous avions lancé un appel à la coopération et au libre partageentre acteurs publics ainsi qu’à l’innovation dans les modes de gouvernance, inspirés de la réflexion sur les communs et des initiatives portées par ses promoteurs.
Depuis, nous participons au cycle d’ateliers d’exploration des communs urbains et de leurs mécanismes juridiques, mené dans le cadre du projet de développement de l’Atlas des Chartes des Communs Urbains.
Enfin, plusieurs de nos complices et partenaires s’intéressent aussi à la question des communs ou en sont des promoteurs actifs. Par exemple, dans le Nord, POP œuvre notamment à la création d’une chambre des communs, espace neutre de coopération pour la production, le développement et la préservation des communs par et pour les acteurs économiques, associant les collectivités publiques du territoire. Lancement prévu lors de l’événement ROUMICS 2016 à Lille !
Les initiatives foisonnent, les Communs vont-ils (et doivent-ils) devenir un projet politique à l’approche d’une année électorale ? Affaire à suivre …