Dans l’histoire du Lieu Commun Masaryk que nous sommes en train d’écrire, il y a, en toile de fond, la démarche « quartier inclusif” portée par le département de Seine-Saint-Denis, dans laquelle le territoire sevranais est fortement engagée, et qui corrobore la volonté du bailleur social Vilogia d’adresser les problématiques de vieillissement et d’autonomie dans ses résidences.
Ces préoccupations communes ont trouvé un terrain d’entente et d’expérimentation dans la résidence Masaryk, et plus particulièrement dans ses anciens Locaux Collectifs Résidentiels dont la gestion est à réinterroger et à réinventer. En remportant l’appel à manifestation d’intérêt Tiers-lieux « Autonomie dans mon quartier » porté par le département, le bailleur porte l’ambition de faire des espaces vacants en rez-de-chaussée de la résidence Masaryk un lieu intergénérationnel, de lutte contre l’isolement, accessible à toutes et tous quelque soit son âge, son handicap, et son degré d’autonomie. Il soutient ainsi une politique publique et s’inscrit dans un réseau de 25 tiers-lieux qui proposeront des services pour tous les publics (professionnels, habitants) sur des questions liées à la perte d’autonomie (prévention, accessibilité…).
Pour nous aiguiller dans cette réflexion, Marie Venot, fondatrice de Villanthrope et ergothérapeute de profession, est venue animer un atelier sur l’accessibilité des activités pour tous auprès des partenaires du quartier.
Mais dans quelle société vivons-nous ?
En guise d’introduction, Marie nous distribue des boutons … pourtant, pas d’atelier couture en ligne de mire mais une réflexion ludique sur l’organisation des groupes sociaux dans notre société. L’objectif est de faire appréhender aux participant.e.s la différence entre 3 modèles de société : la société exclusive, opposée à la société inclusive, celle-ci même que l’on confond parfois avec la société intégrative…
Une société exclusive se caractérise par une forte homogénéité de ses habitants, et une ségrégation tant spatiale que sociale d’une autre communauté.
Une société intégrative a élargi son cercle à l’accueil d’autres groupes, sans pour autant que ces derniers se mélangent et partagent plus que de simples rencontres.
Une société inclusive est transformative, elle produit un nouveau système avec de nouvelles règles, de nouvelles envies : elle est l’œuvre des membres qui la composent.
La société inclusive est donc un idéal vers lequel il faut tendre ! A l’échelle du tiers-lieu, le collectif a à cœur d’en faire un lieu où chacun.e, quelles que soient ses différences, pourra participer à l’ensemble des activités proposées. Marie est là pour donner du sens à l’accessibilité universelle et donner les clefs pour accueillir un public âgé et handicapé, en garantissant leur participation de. Vous le verrez, avec un peu de remue-méninge collectif et de compréhension des enjeux, nous pouvons toutes et tous trouver des solutions créatives sur le sujet !
Ayez le réflexe du pictogramme !
Il existe six types de handicaps définis en France, avec chacun un pictogramme. Ils indiquent aussi la présence de dispositifs spécifiques pour l’accès aux espaces, l’adaptation de la communication ou d’évènements.
Penser l’autonomie
“Les personnes âgées et/ou handicapées ne sont pas fragiles, mais fragilisées par la société” affirme Marie. Garantir leur participation, en veillant à ce qu’elles puissent conserver un fort degré d’autonomie est un facteur d’inclusivité. De plus, 10% de la population française est en situation de handicap, sans oublier que certains handicaps sont invisibles et sans compter les personnes âgées en situation de handicap (lié au vieillissement physiologique)… il est donc primordial d’adapter nos pratiques pour qu’il n’y ait pas d’obstacle à leur participation autonome.
L’accessibilité universelle, de quoi parle-t-on ? L’accessibilité universelle correspond à un environnement (physique et/ou humain), à une activité permettant un usage identique, autonome et simultané par tous les citoyen.nes, quelles que soient leurs différences.
Dans le cadre de cet atelier, les participant.es ont été répartis en trois groupes, chacun avec une activité à concevoir et à animer. Pour faciliter la réflexion collective sur les moyens à mettre en œuvre pour garantir l’accessibilité de l’activité à toutes et tous, 5 personnages fictifs ont accompagné l’après-midi.
- Un atelier cuisine pour toutes et tous, dans une espace bien appréhendé (via des visites du lieu), permettant une évolution des participant.es en toute sécurité, et proposant des ustensils adaptés pouvant être maniés de manière autonome.
- Une épicerie sociale,solidaire, … et inclusive, où la déambulation est facilitée, le rayonnage agencé pour accueillir tous les publics.
- Un petit-déjeuner vecteur de lien social, avec une communication détaillée et des informations précises, quelques trucs & astuces et termes de mobilier et d’accessoire, et des bénévoles sensibilisés pour accueillir au mieux les personnes en situation de handicap.
Après les boutons, quelques billes pour penser l’accessibilité :
Pour clôturer l’après-midi, Marie nous a donné quelques ressources (souvent peu coûteuses) pour adapter des activités à un public varié, et permettre aux personnes âgées ou en situation de handicap d’être accueillies dans des conditions confortables ne les mettant pas en difficulté :
- Une boucle magnétique pour les personnes malentendantes
- Interprétariat en langue des signes
- Le guide “vivre ensemble avec ou sans handicap”
- Penser aux pictogrammes pour indiquer de l’inclusivité d’évènements.
- Bien communiquer : avec lieu, horaire, et moyen d’accès à des évènements.
- Prendre le réflexe de sous-titrer les vidéos.
- Revoir la taille/hauteur des guichets d’accueil
- Prendre en compte l’aire de giration d’un fauteuil dans l’espace
- Proposer des livres audio ou gros caractères comme alternatives aux livres classiques.
Ce que l’on en retient
C’est assez facile de se penser inclusif.ve, mais dans les faits, sans une sensibilisation aux enjeux liés aux handicaps et à l’accessibilité, difficile d’appréhender complètement cette question de l’autonomie. Être inclusif n’est pas qu’une posture : cela se pense, demande des petits efforts et réflexes, mais toute activité peut être adaptée pour les personnes âgées et les personnes handicapées.
Parmi les 3 activités que nous avons explorées collectivement lors de cet atelier avec Marie, nous avons dégagé des enjeux communs à différents handicaps : pouvoir se mouvoir, être dans un environnement rassurant, avoir à disposition des objets et du matériel adapté pour ne pas être dépendant d’un.e aidant.e. Et puis, sensibiliser et former à ce sujet de l’accessibilité universelle, trop facilement limité à des normes PMR peu exhaustives et inclusives.
De notre côté, cet atelier a fait germer tout un tas d’interrogations qu’il s’agira d’adresser collectivement : comment faire dialoguer différentes politiques publiques présentes au sein du tiers-lieu : alimentation et inclusion pour ne citer qu’un exemple ? Et comment donner écho à l’inclusion dans les différentes activités proposées ? L’inclusion peut-il devenir un fil rouge qui nourrit de possibles collaborations ? L’autonomie et l’inclusion sont-elles des communs ? Comment cela se traduira-t-il dans la vision commune et dans la gouvernance du lieu ? Quelles répercussions pour l’action publique, nous pensons notamment à l’épicerie sociale et solidaire portée par le CCAS de Sevran et intégrée au sein du tiers-lieu ? Ces enjeux seront abordés dans les prochains ateliers collectifs qui auront lieu à partir de septembre. Il y a du pain sur la planche !