Depuis quelques mois maintenant, nous faisons le pari – avec nos partenaires Vilogia, la Ville de Sevran et CDC Habitat – que la réponse la plus adaptée au Local Collectif Résidentiel de la résidence Masaryk à Sevran sera la gestion en commun de cette ressource qu’est le futur tiers-lieu orienté vers l’inclusion et l’autonomie.
Une gestion partagée entre une communauté d’acteurs – publics, associatifs, privés, habitant.e.s – réunis autour de la conviction que le collectif est un levier pertinent pour repenser nos manières de faire société et d’animer durablement un lieu. C’est vers ce nouveau modèle d’organisation et de coopération que l’on souhaite tendre, et vers lequel notre expérimentation nous conduira, on l’espère.
Parfois, la communauté d’acteurs est préexistante et dessine par sa dynamique ce qui constitue le commun. Dans d’autres cas – et c’est notre cas ici à Sevran – il faut partir de zéro et oser rêver à ce futur commun.
Sans prétendre décrire une méthodologie exhaustive ou prête à l’emploi, nous vous partageons les débuts de notre aventure, les outils que nous avons utilisés, les premiers enseignements que nous tirons de cette expérimentation, et les ingrédients qui nous paraissent nécessaires, dans le contexte qui est le nôtre, pour permettre à la communauté d’émerger.
Rien ne sert de courir, il faut savoir partir à point…
Et oui, une communauté, ça ne se crée pas en un claquement de doigts. C’est un travail de long cours, peut-être jamais achevé d’ailleurs, en perpétuelle construction.
Il faut laisser le temps aux individus de tisser des liens solides. Alors nous, à La 27e région, pour faciliter la démarche sans l’imposer, nous pouvons simplement offrir un cadre favorable à l’épanouissement des affinités et inviter à rêver en commun.
Après avoir rencontré individuellement les futurs acteurs du lieu, nous les avons réunis autour d’ateliers collectifs.
Nous avons dédié le premier atelier à l’interconnaissance. Après un petit rappel de l’objectif de l’atelier et du projet dans son ensemble, nous avons constitué des binômes (qui devaient se retrouver en emboitant 2 pièces de puzzle), offrant ainsi un cadre plus intime de discussion, et moins impressionnant pour les plus timides d’entre nous. Après 15min d’échange personnalisé, chacun faisait la présentation de son binôme et exposait ses motivations et envies. Et pour ne pas laisser s’échapper dans les airs ces envies si précieuses, nous les avons inscrites dans une grande marmite dont elles constituaient les ingrédients indispensables à la réussite de notre recette de bien commun.
Avez-vous lu dans votre tendre enfance La soupe au caillou ? (Sinon, il n’est jamais trop tard, faites-en votre prochain livre de chevet ou improvisez une séance visionnage avec ou sans vos enfants).
Et toi, tu penses à quoi quand on te parle de vie en collectivité ? On a tous vécu des petites expériences qui nous font adorer (ou parfois moins) la vie avec les autres. De votre coloc qui ne fait jamais le ménage à de très beaux moments de vie en famille ou entre amis, parfois il suffit de petits détails pour rendre une situation mal embarquée un peu plus sympathique. Alors pour poursuivre le premier atelier, nous avons fait deux groupes et invité les participant.e.s à partager des anecdotes de vie collective. Au-delà de permettre aux acteurs de mettre des mots sur des principes clefs de coopération comme l’organisation, la communication, l’existence de règles collectives, nous avons passé un bon moment de partage, ponctué de rires bienveillants.
Truc et astuce : n’hésitez pas à prévoir un espace buvette, et ne pas sous-estimer les échanges informels qui se créent autour d’un café.
Pour clôturer le premier atelier, nous sommes allés visiter le futur lieu commun de la résidence Masaryk … enfin, voir à quoi cela ressemble actuellement avant les travaux. Car pour l’instant, pas facile de se projeter (pour l’instant ce sont d’anciennes caves actuellement murées). Mais cette visite collective – sous un beau soleil d’octobre – a facilité des discussions spontanées, et en a fait sourire plus d’un par notre exploration dans la pénombre des caves, armés de nos portables comme lampe torche.
Lors du deuxième atelier, des nouvelles têtes nous ont rejoint, alors on ne néglige pas un nouveau tour de table pour que chacun puisse se présenter et présenter sa structure.
Agir collectif, élémentaire mon cher Watson !
Alors que chemin faisant, au gré des rencontres, les premiers liens d’une communauté d’acteurs sont en train de se tisser, nous essayons de faire émerger des pratiques de gouvernance partagée et de gestion en commun au fil de l’eau, afin de commencer à réfléchir à certains mécanismes fondamentaux de la coopération.
Grand plongeon dans les eaux de la prise de décision en collectif lors du deuxième atelier. Pour cela on enfile les brassards décomplexants que sont l’amusement et le jeu, et on démarre par un brise-glace (une technique d’animation qui permet de mettre le groupe à l’aise grâce à un petit jeu ou une mise en situation). Projetés dans une situation fictive de fin du monde, les groupes devaient décider collectivement qui, parmi une vingtaine de personnages atypiques, méritaient d’être sauvés. Il n’a pas toujours été simple de se mettre d’accord, surtout dans un temps imparti. La restitution a montré que l’île isolée avait plutôt l’air d’un archipel … mais au fond, peu importe la composition de l’île, ni que tous les groupes n’aient pas les mêmes. Se sont esquissées différentes modalités de prise de décisions en collectif : débats, votes, consentement pour arbitrer les propositions divergentes, discussions sur le fond et recherche de cohérence de peuplement de l’île (en termes de parité, d’âges, d’utilité et de diversité). Une belle approche pour réfléchir plus globalement sur la prise de décision en commun, en donnant de l’importance à l’opinion de chacun.
Rêver collectif, tout aussi élémentaire mon cher Watson ! Nous sommes repartis des futurs usages et activités projetés dans le lieu lors de la phase d’enquête pour débrider les imaginations et inventer des activités à tester dès l’année 2022, avant même la livraison du lieu commun. Les participant.e.s étaient réparti.e.s en 3 groupes avec des « fiches activités » à remplir et quelques impératifs tels que l’implication des habitant.e.s, ou la définition d’une temporalité. Avec les envies et aspirations de chacun.e, une belle panoplie d’activités s’est constituée. Certaines ont été discutées collectivement, d’autres fusionnées. C’était foisonnant !
Chaque participant.e était ensuite invité.e à prendre du recul sur les diverses propositions, et se positionner s’il ou elle le souhaitait selon 3 niveaux d’implication : j’organise, je donne un coup de main, ou je participe. La 27e Régione a ajouté son grain de sel en donnant la contrainte que chaque activité soit portée par au moins 2 organisatrices ou organisateurs de structures différentes (le travail collectif est un excellent exhausteur de goût !).
Finalement, ce sont 10 activités qui ont émergé et seront travaillées pour être testées en 2022. De belles perspectives pour le collectif.
Mettre en place des vecteurs de communication
La 27e région a souhaité au plus vite ouvrir la possibilité aux futurs acteurs du lieu d’échanger de manière plus spontanée et simplifiée. Pour l’instant, comme ce sont encore les débuts, on essaie d’alimenter la dynamique, et on veille à communiquer aux différents partenaires et parties prenantes les étapes du projets, en rappelant que ce dernier est ouvert au quidam intéressé.
En interne au collectif, nous utilisons à la fois une liste de diffusion par mail (le moyen le plus inclusif) et un groupe whatsapp, qui a l’avantage de donner un peu plus de matérialité au groupe et permet aux acteurs d’échanger plus aisément et sur un ton plus convivial. Le groupe whatsapp comporte l’inconvénient d’être un peu plus intrusif que le mail. Tout comme une communauté dispose de ses propres règles, peut-être faudra-il décider collectivement des règles d’utilisation de ce média de communication.
Après chaque atelier, la 27e région propose aussi une feuille de chou qui revient sur ce qui a été fait lors de l’atelier précédent. C’est une gazette que nous appelons « La bonne nouvelle du Lieu commun Masaryk ». C’est aussi un outil de diffusion, car nous la transmettons aux habitant.e.s de la résidence Masaryk. Ils peuvent y retrouver une adresse mail où nous contacter pour celles et ceux dont la curiosité aurait été aiguisée.