Un parcours utilisateur pour poser les premières billes de gestion du café mobile

Un objet mystérieux tout de bois vêtu fait depuis quelques semaines l’objet de convoitises chez les Sevranais (du moins, le cercle restreint de ceux qui ont suivi de près sa création). Inauguré lors d’une belle journée de septembre, il répond pour l’instant au nom de « café mobile » (on vous détaille son processus de création par ici). Oui mais maintenant, qu’en fait-on ?

En voilà une bonne question ! Suite à plusieurs sollicitations concernant son emprunt, nous avons animé un atelier pour dessiner un scénario d’usage du café mobile, permettant au collectif de d’acteurs embarqués depuis quelques temps dans la démarche d’imaginer des modalités de gestion. Et puis, ne serait-il pas fort regrettable que ce café mobile soit condamné à prendre la poussière dans un placard en attendant sa future place de choix dans le tiers-lieu ?

 

 

Mais oui Yvette, c’est un crash test ! Le café mobile est fait pour expérimenter, pour réussir et aussi apprendre de ses erreurs, et essuyer les pots cassés de la gestion partagée. Donc advienne que pourra !

Un parcours utilisateur, de quoi parle-t-on ?

 

Le parcours utilisateur est un super outil de design, qui permet de tracer le parcours-type d’un usager en s’interrogeant sur chacune de ses étapes pour rendre l’expérience la plus agréable, fluide et accessible. En faisant émerger les outils nécessaires et adaptés pour surmonter les obstacles rencontrés, le groupe co-construit les modalités d’usage du café mobile. Pour appréhender la gestion, le parcours utilisateur commence du besoin de réservation à son retour au lieu de stockage, en passant par toutes les problématiques que peut rencontrer un usager entre les deux étapes.

En guise de persona-utilisateur, on s’inspire directement de nos cobayes préférés (les participants) et on part de leurs besoins et questions pour définir ensemble une trajectoire d’utilisation. Nous partons par exemple du cas très concret du directeur du CCAS et des Solidarités de la ville, qui annonce vouloir emprunter le café mobile en décembre, pour une distribution de colis festifs pour les seniors, à la salle des fêtes du centre-ville.

En filigrane se dessine la gestion de cet ovni ambulant, qui fait parler les plus curieux.

À chaque situation une proposition … ou presque !

En cheminant dans le parcours utilisateur, nous tachons de poser des situations qui appellent la mise en place d’outils, quand celles-ci ne sont pas devancées par les interrogations du collectif.

En amont, la réservation

Pas question ici d’emprunter le café mobile comme bon vous semble ! Afin de garantir sa bonne gestion et son usage partagé, il faut des règles, non pas pour contraindre, mais pour sécuriser l’emprunt (et par conséquent la personne emprunteuse également). 

Comment réserver : Le collectif s’est mis d’accord sur la nécessité de mettre en place un planning partagé (un document en ligne par exemple), et d’identifier un référent qui puisse faire le relais pour les personnes peu à l’aise avec le numérique.

Pour éviter l’accaparement du café mobile, les participants ont proposé un système d’inscription, ouvrant le droit à un crédit de demi-journées, mais conditionné par la signature d’une Charte, qui a la vertu de responsabiliser la personne et garantir son engagement (autrement dit, ça limite le risque qu’elle fasse n’importe quoi). Il faut que l’emprunteur et son action portent des valeurs partagées par l’esprit du tiers-lieu et du café mobile (attention ça devient un peu métaphysique), et inscrites dans ladite Charte.

Comment arbitrer entre une activité ponctuelle et une activité plus régulière qui se télescopent pour l’emprunt du café ? Un planning courant sur 3 mois permet d’organiser les réservations, tout offrant la possibilité à de nouveaux usagers de se faire une place.

…Mais qui peut réserver ?

Bon bah comme ça au moins c’est clair ! Dans un premier temps en tous cas, l’emprunt à titre individuel est plutôt perçu comme une crainte pour le collectif. Peut-être que cette position évoluera. Cela dit, rappelons nous qu’un commun diffère d’un bien public (c’est la communauté qui définie ses propres règles et les ayants droits au commun). 

Le jour J, un emprunt serein et sans pépin

C’est bien joli tout ça, mais comment ça marche au juste ? Le carnet de vie du café mobile a été imaginé pour aider les utilisateurs à appréhender ce gros bébé : un mode d’emploi, racontant l’histoire du café mobile et comprenant une notice d’utilisation.  Un kit avec le nécessaire pour faire de l’affichage sur les paravents et faire du bricolage de dépannage si besoin. De quoi garantir un emprunt en toute sérénité !

Les petits accros ça arrive, et ce n’est pas bien grave. Mais afin d’offrir à ce café mobile tout le bichonnage et l’attention qu’il mérite, une fiche état des lieux, à remplir avant et après utilisation permet de facilement repérer les petites interventions à effectuer pour le réparer.

L’emprunt est un premier pas dans l’aventure collective…

… Autrement dit, pouvoir en bénéficier de temps en temps, gracieusement et selon les modalités définies par le collectif, cela nécessite en revanche de donner un coup de main quand il faut faire le grand ménage de printemps, ou le ravalement de façade d’un café mobile un peu défraîchi. Et si l’entretien requiert l’achat de matériel spécifique, les participants proposent de réaliser des évènements communs pour financer les réparations.

Les sujets chauds bouillants

La définition de la charte : l’emprunt du café mobile est conditionné par l’adhésion à une charte, qu’il faut donc rédiger. Nous ressortons de cette atelier avec un de ces articles : pas d’alcool dans le café mobile ! Pour éviter tous les embarras et complexifications administratives liées aux licences (et puis sans alcool, la fête est plus folle). Outre les valeurs, elle définira aussi des éléments pratiques comme le périmètre d’emprunt, le droit ou non de l’emmener au delà du quartier, le nombre de crédits de demi-journées etc… 

L’assurance : pour les participants, il faut une assurance pour assurer le café et rassurer les emprunteurs assurés d’être couverts. Si les petits pépins sont plutôt gérables au cas par cas, la question de l’assurance pour les dommages plus conséquents se pose : le tiers-lieu aura-t-il une assurance qui couvre le café ? La responsabilité civile individuelle des personnes fonctionne-t-elle pour l’emprunt du café mobile ? Oui, mais s’il est emprunté au nom d’une structure et non à titre individuel ? Pour l’instant, la question est en suspens ! En parallèle se pose la question de qui est propriétaire de l’objet. L’heureux élu pourrait alors assurer le café mobile, mais pour l’instant pas de volontaire téméraire parmi les participants…

Le coordinateur du tiers-lieu : Il est vite apparu que la personne qui sera en charge de la coordination du tiers-lieu fasse office de référent naturel pour le café mobile, principalement car elle sera en charge de la gestion du quotidien et sera présente sur place. Ce coordinateur aura donc besoin d’avoir plusieurs cordes à son arc (un véritable couteau suisse) :  déjà très sollicité alors qu’il n’est pas encore là. En attendant de trouver la perle rare, il est difficile pour les acteurs engagés dans les ateliers de porter la charge mentale de cet objet et de sa gestion, chacun étant occupé par ses activités par ailleurs. Au delà de la gestion du café mobile, c’est toute la dynamique de groupe qui méritait d’être fortifiée et maintenue par ce coordinateur. Ce coordinateur est donc plus attendu que le père noël !

Dans un registre plus léger, mais qui mérite d’être mentionné, il est aussi question du petit nom du café ! Depuis le début on parle du « café mobile », mais est-ce vraiment parlant pour quelqu’un qui n’aurait pas suivi la démarche ? Selon une de nos participants, avec cette appellation « on ne voit pas trop ce qu’on peut faire avec ». Et puis, c’est un café qui n’a de café que le nom (pas de cafetière ou de prises prévues, juste de quoi accueillir les thermos), et qui peut servir de support à de nombreuses activités. Alors en attendant c’est le remue-méninge pour trouver un nom sympa et percutant qui fera la fierté du quartier (on l’espère).

Au delà du café mobile : penser la gestion du tiers-lieu

Nous vous avions déjà exposé dans par ici le fait que l’expérimentation du café mobile n’était pas anodine dans le cheminement de réflexion vers la gestion du tiers-lieu. Beaucoup de questions soulevées aujourd’hui pour cet objet sont toutes aussi pertinentes pour penser la gestion future du lieu commun : comment définir ensemble des règles d’usage ? Qui a les clefs ?

On utilise parfois l’image de l’objet totem pour parler du café mobile : cela fait un an que nous travaillons à l’émergence d’un collectif qui puisse porter la démarche de gestion collective du tiers-lieu. Si l’on reprend le triptyque élaboré par Ostrom sur les biens communs : pour que commun il ait, il faut une communauté d’acteurs, une ressource, et des règles d’usage (de la ressource, définies par la communauté elle-même). A défaut de pouvoir compter sur ces trois piliers, notre trépied est un peu bancale : la ressource n’est pour l’instant qu’une hypothèse peu concrète pour les acteurs du territoire car elle n’existe pas, donc difficile d’anticiper les règles d’usage … Le tout est un peu fictif, on nous l’a d’ailleurs fait remarquer à plusieurs reprises  « on ne sait pas trop où on va, on manque de vision ». Avec le café mobile se présente alors l’opportunité d’avoir une ressource commune, à gérer collectivement, et donc de pimenter la démarche du grain de concret qu’il nous manquait tant. 

Le triptyque des communs d’E.Ostrom

La bonne nouvelle c’est que la dynamique collective commence à prendre : lors de cet atelier sur la gestion du café mobile, on a pu entendre des « nous tous ensemble », « nous sommes un collectif », « on pourrait faire des actions communes », et l’on observe des participants qui ont plaisir à se retrouver aux ateliers, dans une ambiance détendue qui n’était pas forcément celle des débuts. Alors nous cheminons pas à pas.

Lors d’un prochain atelier, la réflexion autour café mobile servira de tremplin à des hypothèses de gestion et de gouvernance du tiers-lieu … on entre dans le vif du sujet !

 

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